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29 juillet 2012

The fall of The Dark Knight Rises

 

The Dark Knight a marqué le cinéma des années 2000. Christopher Nolan avait réussi à réinventer le film de super-héros, aidé par la performance inégalable de Heath Ledger en Joker plus terrible que jamais. C'est maintenant la fin de la trilogie Batman version Nolan. The Dark Knight Rises devait, si ce n'est faire mieux ou égaler The Dark Knight, marquer les esprits. Depuis mai 2011, la promotion du film est savamment orchestré et l'attente, inédite, a enfin pris fin. Mais voilà, c'était sans compter sur un plantage total de Christopher Nolan... Voici la critique de The Dark Knight Rises, 100% spoiler. En espérant ouvrir le débat sur LE film le plus attendu de 2012, voire de ces quatre dernières années.

 

Partie 1 - Fils illégitime

 

Le scénario de TDKR connait de nombreuses longueurs, on le sait, mais ce n’est pas son seul défaut. Nolan veut frapper fort avec cet ultime opus : renvoyer l’Amérique à ses peurs, la traumatiser comme ce fut le cas en 2001. TDKR, c’est d’abord une (trop) longue marche vers un drame, symbolisé par la scène du stade de football américain, construit comme un jump the shark qui amorce, en même que la fin de la trilogie, une fin désordonnée dans laquelle Nolan ne sait plus quelle direction prendre pour s’engager de la meilleure manière dans un monde post-apocalyptique qu’il ne parvient pas à maîtriser. C’était casse-gueule, Nolan n’a pas réussi de miracle.

Commençons par le commencement. Dès les premières scènes, le scénario s’inscrit dans la continuité la plus absolue possible de The Dark Knight. Premier plan, le visage de Harvey Dent, protagoniste clé du second volet de la trilogie,  apparaît. L’histoire de TDKR se déroule huit ans après la fin de TDK. Mais Nolan veut que nous retrouvions d’emblée l’ambiance et les émotions que laissaient transparaître les dernières minutes de TDK. Zimmer propose une musique inquiétante et le discours du commissaire Gordon, décrivant une société où l’insécurité a fortement reculé, semble faux. La première track de la score de TDKR, qui s’intitule « A storm is coming », prend tout son sens. La situation à Gotham est meilleure, bien que nécessairement imparfaite, mais le mal rôde et se rapproche dangereusement.

Il y a une promesse ici : ce n’est pas qu’une suite de TDK, c’est LA suite, le prolongement logique de l’épisode ayant magnifié un Joker plus inquiétant que le mal lui-même, et donc une histoire qui se veut aussi complexe, aussi noire, aussi prenante.

Soit, c’est logiquement que nous découvrons Bane dès la seconde scène. Introduit finalement comme le Joker (dont l’attaque dans une banque était la toute première scène de TDK), le personnage doit impressionner le plus vite possible. Nolan est dans sa logique de suite, mais veut montrer, déjà, qu’il a haussé le niveau, que le bad guy de TDKR peut surpasser le Joker. Si, dans le premier plan de TDK, les hommes du Joker prenaient de la hauteur pour débuter leur attaque de la banque, Bane et ses hommes s’envolent carrément et mettent en œuvre une destruction d’avion qui dépasse l’entendement. Légitimer Bane devait passer par une très grosse scène d’action, c’est le cas. On entendrait presque Nolan nous souffler à l’oreille : « Avec Bane, on va faire mieux qu’avec le Joker. »

Pour continuer d’installer une ambiance de chaos, nous retrouvons une cérémonie d’hommage à Dent et la célébration de sa loi qui a mené des centaines de criminels derrière les barreaux. Avec un peu de recul, la prison dans laquelle ces criminels sont renfermés peut être vue comme un équivalent de Guantanamo. Petit message politique de Nolan, visiblement. Le thème du traumatisme, lui, reste, avec une scène que l’on voit à travers les yeux de Gordon (flashback de Dent en Double-Face). On comprend que la satisfaction affichée est, elle, de façade, et que l’inquiétude est finalement aussi présente qu’avant l’instauration de la loi Dent.

Selina Kyle, qui s’est invitée dans l’équipe des serveurs de la cérémonie, fait son apparition. Furtive, ses premiers mots sont adressés à Foley, en guise de répartie. Nolan veut nous envoyer un message, sa Catwoman ne se laisse pas faire, à du caractère, est maligne.

C’est avec Kyle qu’Alfred fait son entrée. L’un des premiers personnages de l’histoire à parler de Bruce Wayne, que nous avons deviné brièvement, tapi dans l’ombre de la nuit, durant la cérémonie. Kyle amène un repas à Wayne, la première rencontre Batman/Catwoman n’est pas loin. Avant cela, on nous lance Miranda Tate à la figure. Marion Cotillard dans le blockbuster de l’année, ça donne quoi ? Sa première scène laisse déjà un petit goût amer. Récitant son texte plus qu’elle ne le joue, c’est la moralisatrice écolo qui a le dernier mot face à Daggett, homme avide de pouvoir. Bof, mais ce n’est que la première scène, alors attendons un peu.

 

Joel Schumacher likes this.

 

Vient la première rencontre Wayne/Kyle (ou Batman/Catwoman). Bruce Wayne apparaît tel un papy au bout du rouleau. La façon pour Nolan d’exagérer les situations pour mieux faire ressentir une ambiance vouée au désespoir. Mais nous verrons que, malheureusement, les exagérations reviendront trop souvent. Cette scène, c’est la première erreur de Nolan, qui improvise une scène qu’on croirait inspirée d’une scène de Pirates des Caraïbes : La discussion tourne autour du vol d’un collier. Collier qui est, évidemment, impossible à voler, sauf pour Kyle. Démasquée, la voleuse joue avec Wayne et le met hors jeu en le faisant tomber : l’image est là, Wayne/Batman mis ridiculement à terre, face  à une Kyle/Catwoman impressionnante d’assurance et d’insolence. L’humour qui ressort de cette scène lui donne un sens atypique, l’ambiance étant devant être inquiétante et destinée à l’attente de la « tornade » promise dès la première scène. On croirait presque voir en Wayne un Jack Sparrow ridiculisée par l’une de ses nombreuses conquêtes rencontrées dans l’un des quatre opus de la saga Pirates des Caraïbes. Les fans de la noirceur de TDK, qui veulent franchir un palier dans l’obscurité de la vie du Batman, tiquent un peu.

Depuis la scène de l’avion, le rythme est retombé. Les discussions se suivent et, peut-être volontairement, Zimmer emballe sa musique. Comme si le génial Hans sentait qu’il fallait mettre un peu de pep’s dans ce début de film. Il s’emballe donc à deux reprises : quand Blake fait son apparition, interrogeant Gordon sur l’auteur de la mort de Dent. Un faux suspense qui, comme la réplique de Kyle à Foley, vise à définir le plus tôt possible les traits de ce nouveau personnage : intelligent, habile, courageux, confiant.

Zimmer s’emballe ensuite pour une scène « émouvante », la première durant laquelle Alfred essaie de raisonner un Bruce Wayne qui lorgne de plus en plus du côté de son armure. Mais le morceau de Zimmer est un copié/collé d’une track de TDK. Dommage. On veut impressionner avec le rêve d’Alfred croisant Wayne à Florence. Nolan dramatise la scène, une nouvelle exagération dans l’ambiance, et ça parle beaucoup depuis maintenant plus de dix minutes.

Là, de manière maladroite, Nolan va violemment accélérer le rythme, au travers du personnage de Blake : trois scènes en moins d’une minute pour présenter à la fois l’officier de police (découverte d’un cadavre près des égouts), l’homme (visite d’un orphelinat), le pro-Batman (l’enfant lui demandant si Batman va revenir). Nolan joue les équilibristes, voulant donner de la profondeur à son personnage, tout en mettant Batman au premier plan, grâce à l’enfant de l’orphelinat. Un enchaînement brouillon, brutal, et en totale rupture avec le ton des douze dernières minutes, très bavardes.

C’était peut-être un signe du souhait de Nolan de changer de rythme, puisque c’est une scène d’action qui suit. Une fusillade autour du personnage de Kyle. Assez bien amenée, d’ailleurs, avec le rôle du député qui lui permet de s’en sortir. Cela faisait quinze minutes qu’il n’y avait pas eu d’action, et le personnage de Catwoman, calculatrice, s’épaissit encore.

Pour donner encore plus d’importance à cette scène, Nolan la lie avec la poursuite de Stryver menée par les hommes de Gordon. Mais la séquence se termine en queue de poisson. Capturé par les hommes de Bane, qui revient ici au premier plan, Gordon s’échappe en se jetant dans les égouts. Un twist un peu facile, le premier de ce type dans TDKR, qui va malheureusement en amener beaucoup d’autres. Les dialogues, eux, sont d’un coup beaucoup moins inspirés. Bane, impressionnant au début du film, se retrouve bourrin parachuté d’un film de série B, à cause de répliques caricaturales (« Fouille-le, puis je te tuerai »). Très simplistes, les répliques de ce style vont envahir peu à peu le long-métrage pour finir en bouquet final décevant. Nous y reviendrons plus tard.

 

"Toi, je vais te piquer ta caisse."

 

La première rencontre Wayne/Blake intervient alors, sous prétexte que Gordon est blessé. Deuxième exagération dommageable après la discussion Alfred/Wayne, avec l’histoire que Blake raconte à Bruce, pour lui redonner la flamme, remettre le Batman au goût du jour. Le monologue de Blake marche moyennement, même si la track de Zimmer est meilleure que pour la scène Alfred/Wayne.

À noter, ici, un faux raccord (il y en a au moins deux autres que nous verrons plus tard) : Blake parle à Wayne, assis, puis se retrouve debout en moins d’une seconde.

Wayne revigoré, il veut voir Gordon et Fox. Nolan va accélérer le rythme, comme avec Blake plus tôt. Trois scènes en une minute et trente secondes, entre le départ du château et la vraie/fausse visite à l’hôpital pour aller voir le commissaire. Lors de la discussion Wayne/Gordon, on sent l’hésitation de Nolan autour du retour du Batman : bien sûr, il créé volontairement une attente, mais les paroles de Bruce (« Et si le Batman n’existait plus ? ») semblent être celles d’un réalisateur qui essaie de trouver la meilleure entrée possible pour son super-héros en s’aidant des paroles-mêmes de celui-ci. Notons aussi les deux scènes d’humour en quelques secondes, entre les radios de Wayne et le vol d’une montre par Kyle. Un humour à nouveau hors-sujet et inutile.

Ce n’est pas le retour de Miranda Tate qui va remettre de la noirceur dans cette première heure de TDKR : sa seconde scène est exactement la même que la première : moralisatrice écolo, elle renvoie Bruce Wayne dans son camp, comme elle l’avait fait auparavant avec Daggett. Un personnage subliminal, est-ce ainsi que Nolan voulait intégrer un rôle qui se révèlera fondamental, plus tard ?

Les retrouvailles entre Wayne et Kyle s’inscrivent, malheureusement, dans le prolongement de la scène du vol du collier : les deux protagonistes dansent, se cherchent, des menaces sont finement amenées, enlevant au passage un peu de leur gravité, et la scène se termine sur un baiser volé, avant une scène humoristique où Wayne se fait cette fois voler son véhicule. Non, nous ne parlons pas d’une scène tirée de Pirates des Caraïbes, encore une fois, mais bien de TDKR. Le baiser, lui, gâche le personnage de Catwoman qu’avait construit jusque-là Nolan avec attention. C’est en contradiction avec sa personnalité présentée précédemment. Un cliché, au final, dont on se serait bien passé.

La rencontre avec Fox est tout aussi mal gérée. Zimmer utilise une musique montant en puissance, comme s’il s’agissait d’une scène d’action, alors que Wayne et Fox évoquent la situation de Wayne Enterprises et Miranda Tate. Le scénario prend un virage important dans cette scène, le projet de réacteur à fusion étant évoqué pour la première fois. Et l’hypothèse d’un scénario finalement bien moins audacieux qu’espéré, prend forme…

D’ailleurs, le scénario va bientôt prendre trois couches : après Bane et le réacteur nucléaire, le retour de la ligue des Ombres avec l’évocation de Ra’s al Ghul, référence directe à Batman Begins, dans lequel il était le principal ennemi de Bruce Wayne. C’est Alfred qui fait le lien, quand il essaie de nouveau de faire comprendre à Bruce qu’il n’a pas à s’interposer face à Bane.

Alors, où va Nolan ? Depuis l’entame du film, il veut recréer l’ambiance de TDK, inscrire TDKR dans sa continuité. Mais maintenant, le lien est opéré avec Batman Begins. Nolan pourrait, pour terminer en beauté la trilogie, lier les deux premiers volets dans TDKR. Mais encore faut-il que cela soit bien fait.

 

Comme Obama, Bane n'aime pas trop Guantánamo.

 

La scène suivante est censée présenter le second grand moment d’action du film : l’attaque de la bourse par Bane. En fait, nous sommes bien loin d’une référence à la crise économique de 2008, comme les bandes-annonces de TDKR le laissaient initialement pensé. Passons sur l’entrée de Bane et de ses hommes dans les lieux, ridicule (armes cachés dans des sacs, l’équipe de sécurité apparemment réduite à trois ou quatre personnes, en tout). La seule action, c’est lorsque l’un des hommes de Bane mitraille… des écrans.

Nolan trompe avec évidence le spectateur, qui pense avant tout à un lien avec l’actualité récente. Le réalisateur se contredit même sur ses propres intentions, voulant à tout prix attaquer une bourse, là où « il n’y a pas d’argent » hurle l’un des traders pris en otage par Bane. Le scénario montre ensuite que cette attaque a pour but de ruiner Wayne en utilisant ses empreintes afin de réaliser une opération financière suicidaire (d’ailleurs, ça marche réellement comme ça ?). Néanmoins, il n’y a finalement rien qui puisse relier cette scène symbolique à la crise économique. Le seul signe en ce sens serait peut-être le fait de ruiner un empire en quelques secondes, mais c’est tiré par les cheveux. Après avoir voulu installer un climat post-11-Septembre, Nolan veut nous renvoyer à la situation économique en 2008. C’est loin d’être une réussite.

Cette scène a pourtant le mérite de mettre fin à une longue attente. La fuite de Bane et ses hommes donne l’occasion au Batman de faire son grand retour.

Notons, ici, un nouveau faux raccord : l’attaque se déroule en plein jour et la nuit tombe en à peine treize secondes. Mauvais calcul de la part de Nolan, son souhait étant explicitement de mettre en scène le Batman dans son environnement, l’obscurité. Un beau faux raccord, tout de même. L’exagération revient elle à pleine allure, tout étant fait pour que la poursuite des hommes de Bane, qui devient rapidement celle du Chevalier noir, soit épique. Mais lancer une centaine de voitures de police, réunies sur un même plan, à la chasse du Batman, bien que cela fasse une belle image, c’est de la simple exagération, sans profondeur. Le dénouement de la scène, en deux temps, entre le saut avec le batpod et l’envol à bord de la Bat, manque d’originalité et d’héroïsme, tout simplement.

Amorcée durant la course-poursuite, la visite de Catwoman à Daggett débouche sur un twist douteux que nous retrouverons plusieurs fois ensuite, dénuant de réalisme la seconde partie du film : Prise au piège, sur le point de se faire attaquer par les hommes de Bane, Kyle voit arriver comme par magie Batman, qui avait visiblement envie, après sa fuite, de rendre lui aussi une petite visite à l’homme ayant précipité sa chute. Le combat donne lieu à des répliques visant sans doute à meubler. Problème, ça ressemble plus à des dialogues de Transformers II qu’à ceux de TDK, notamment ceux autour de l’usage d’une arme durant un combat, qui amènent Batman et Catwoman à débattre en plein gunfight…

Heureusement, l’une des meilleures scènes (elles sont trois, quatre maximum) arrive, celle de la « rupture » entre Alfred et Wayne. Alfred a échoué dans sa quête de raisonner Wayne, et décide de l’abandonner, « ne voulant pas enterrer un autre membre de la famille Wayne ». Moment où, pour une fois, l’émotion est justifiée et maîtrisée.

L’espoir de voir le film être, pile après la première heure passée, enfin sur les bons rails, ne va pas durer longtemps. Fox convie Tate à rejoindre Wayne et le fameux réacteur à fusion. Là, tout devient flou : la gouvernance de Wayne Enterprises, le réacteur, le docteur Pavel, la destruction du réacteur au cas où… Nolan se perd dans son scénario et le présente de manière brutale au spectateur, qui décroche et ne sait plus, lui-même, où aller (et Bane ? et Ra’s al Ghul ?). Ce flou continue avec la réunion du conseil d’administration de Wayne Enterprises, la prise de pouvoir de Tate, et l’échec de Daggett. De quoi démontrer là aussi le rythme saccadé du film, qui est lent quand il devrait être rapide, et devient trop rapide quand il devrait prendre son temps.

Mais l’hémorragie n’est pas terminée, car vient ensuite l’une des pires scènes du long-métrage, le baiser et la scène d’amour entre Wayne et Tate. Cliché absolu, cette scène débarque sans préliminaires (si on peut dire ça comme ça) et là, on est vraiment parti très loin de l’intrigue principale. Nolan nous livre une scène que l’on aimerait ne pas voir dans des films à la prétention si forte. Une scène trop banale, trop facile, pour être présente dans TDKR.

 

"Montez dans le bus, où je vous bute."

 

La première partie du film va bientôt prendre fin, et le premier duel Bane/Batman approche. La séquence d’action Catwoman/Wayne dans les égouts, pour se rendre jusqu’à Bane, est aussi anecdotique qu’inutile pour l’avancée de l’histoire. De l’action pour de l’action, sans valeur ajoutée.

Enfin, vient le moment tant attendu. La trahison de Kyle envers Batman est bien plus dans son trait de caractère, et ce moment souligne bien à quel point le baiser volé était sans intérêt, totalement injustifié.

Le combat Bane/Batman, sans musique, ce qui dramatise voire immortalise la scène, est assez bien mené, même si Nolan ne fait pas d’efforts démesurés dans la réalisation.

La fin de la première partie du film se termine ainsi, sur une image symbolique, le jet d’un bout du masque de Batman par un Bane presque négligent.

 

Partie 2 - Christopher Nolan, ce terroriste

 

La seconde partie du film, dernière partie de la trilogie, s’ouvre sur une nouvelle scène sans valeur ajoutée : Kyle à l’aéroport, qui se débarrasse d’un homme de la sécurité avec humour. Dommage que nous ne soyons pas là pour nous marrer. Nolan veut montrer un semblant de suspense, tout en ne faisant pas l’effort de le justifier et d’en jouer réellement. Une scène qui ne sert à rien, en somme.

L’échange entre Blake et Kyle débouche sur l’arrivée en prison de Wayne. Là, c’est une page aussi importante que ratée qui s’ouvre sous nos yeux. Wayne, cassé, dans la prison qui a vu naître Bane, d’où on ne peut pas sortir. Nolan tient sa métaphore de la renaissance du Batman, après la défaite face à Bane. Sortir de la prison, un puit menant vers la lumière, reste assez grossier. L’image est forte, oui, mais sans finesse. On sait bien que Wayne ne sera prêt à affronter Bane que quand il pourra sortir, s’élever vers la lumière. Et pour ceux qui n’auraient pas encore compris, on prend soin de préciser que les cris des prisonniers à chaque tentative de sortie du puit, signifient « Rises ». Trop gros.

Bane perd lui aussi de sa superbe, confiant à Wayne son objectif, aussi primaire que caricatural : « Détruire Gotham. » Sa motivation ? « Réaliser le rêve de Ra’s al Ghul. » Légère comme motivation. Il n’y a rien d’épique dans cette intrigue finale qui prend forme, et les dernières minutes rappelleront d’ailleurs plus un Die Hard avec un John McClane en pleine bourre qu’un TDK au souffle immense et dévastateur. Nous y reviendrons.

La scène du stade arrive doucement. Nolan commet une nouvelle erreur : L’amorce de la séquence intervient au moment où Bane s’invite au conseil d’administration de Wayne Enterprises. Là, tout nous dirige vers le feu d’artifice : Foley informe Gordon que c’est bien Bane qu’il a vu dans les égouts, Fox découvre que les terroristes ont mis la main sur les batmobiles, le tout monte en puissance… et Nolan nous ramène violemment dans la prison pour écouter la légende du seul enfant ayant réussi à quitter la prison. Ou comment casser le rythme alors que s’installe, tout doucement, la scène censée être plus impressionnante, la plus « choquante » du film.

Le stade, nous y sommes enfin. Un éclair, car nous allons retrouver, brièvement malheureusement, le Nolan qu’on aime, le chef d’orchestre d’un suspense infernal et inquiétant. La tension était déjà bien montée avec la multiplication de situations diverses (policiers dans les égouts, l’enquête de Blake) menant à un seul et même dénouement : le stade.

 

Bruce Wayne, version papy.

 

C’est LA partie fondamentale du film, car l’espace de quelques minutes, TDKR dépasse le simple statut de film de divertissement. Ici, Nolan nous entraîne dans un stade américain, un stade de football américain, avec l’hymne américain qui devient une musique à part entière et un public qui l’écoute religieusement. Du patriotisme à l’état pur, l’image symbole des Etats-Unis. Nolan a un souhait, renvoyer les Américains face à leur peur, évidemment, mais son envie est plus forte que ça. Il veut que les spectateurs remontent le temps, retournent à un moment précis de leur histoire, le 11 septembre 2001. Nolan vise un choc, visuel et psychologique. Si un symbole des Etats-Unis est tombé le 11 septembre 2001, à savoir les deux tours du World Trade Center, ici ce sera un autre symbole, le stade de football américain (avec un clin d’œil à l’événement annuel mondial qu’est devenu le Superbowl). Ici aussi, les terroristes seront pointés du doigt. Ici aussi, ce sera une tragédie médiatique, les caméras du monde étant tournées vers Gotham. Cela témoigne d’une chose : Nolan s’est fixé un défi, qui prime sur l’intérêt même du film, si on y réfléchit bien, c’est  de traumatiser à nouveau le peuple américain. Si TDKR se déroulait en France, Nolan aurait détruit la tour Eiffel.

Pour être certain de réussir son coup, Nolan tombe dans la surenchère : Bane, personnification du communisme extrême (comme dans les comics), qui met à terre l’Amérique capitaliste.

Un regret, mais de taille : la destruction du stade est une scène multi diffusée depuis le début de la promotion du film. On la découvre sans surprise, et son impact n’est plus le même. Sans doute la scène aurait-elle gagné en force si elle n’avait pas été dévoilée depuis si longtemps au public.

À noter, là encore, un faux raccord : Lors de l’hymne américain, l’horloge du stade affiche 15 heures. Quand, plus tard, Bane fait son discours au public, l’horloge affiche 14 heures 44.

Les twists douteux vont maintenant se multiplier. Gordon, au bout du rouleau, parvient à tuer deux hommes de Bane, comme par magie. Nolan veut tout donner pour la scène du stade, alors tant pis si le réalisme des autres scènes en prend un coup…

On revient au stade pour voir Nolan continuer dans sa quête du traumatisme parfait. Intrigante, la scène avec le docteur Pavel. Bane lui demande d’expliquer la menace du réacteur à fusion et le tue après lui avoir fait avouer qu’il était le seul à pouvoir l’empêcher d’exploser. Le discours de Bane est très significatif : Nolan amplifie son envie de terroriser. Par le biais du discours et de la présentation de Pavel, Nolan veut définitivement nous convaincre que l’on vit une scène apocalyptique pure. Il souligne et grossi ce qu’il se passe pour qu’on se dise « Oui, on est terrorisés. Bravo monsieur Nolan, vous avez gagné ». Et il ne serait pas étonnant que, quelque part, Nolan cherche lui aussi à se convaincre qu’il a fait le maximum, qu’il ne peut pas aller plus loin dans la terreur.

C’est ainsi que commence la seconde partie du film, celle d’un Gotham post-apocalyptique, où règne la peur. Est-ce que ça marche ? Pas vraiment, avec des erreurs grossières qui se comptent par dizaines : tous les policiers de la ville sont censés être coincés dans les égouts suite aux explosions diverses. Mais à la prison de la ville, issue de la loi Dent évoquée en début de film, les gardiens sont tranquilles, et sont finalement surpris que Bane, qui a pris le contrôle de la ville, viennent libérer les prisonniers.

Dans la même veine, Bane et ses hommes tiennent en otage douze millions de personnes, soit la population de Gotham, et quand les militaires US viennent en renfort pour contrer Bane, il suffit qu’un terroriste promettent l’explosion de Gotham en cas d’entrée dans la ville pour que les militaires laissent tomber et que nous ne les revoyons plus de tout le film. Une accumulation d’incohérence qui, si elles restent secondaires, enlèvent tout réalisme au film.

La vision de l’apocalypse de Bane est décrite dans une séquence bien montée, cette fois, mais où le message de Nolan (qu’il n’a visiblement pas modifié de celui des comics) se résume à la mise à la rue des riches, la toute-puissance du peuple. La fin du monde, ce serait donc la fin des riches. Il peut apparaitre gênant que Nolan n’est pas modelé de manière plus réaliste ce message, qui devient assez caricatural et primitif. Seule la menace nucléaire délégitime les propos d’un Bane qui promet la toute-puissance aux classes dominées.

Il est temps de retrouver Wayne. Après l’histoire de Bane, on nous livre l’histoire de son père. Pour le coup, l’enchaînement est logique, la « glorification » du personnage de Bane se précisant ainsi juste après sa « victoire » à Gotham qui le met en position de force. Nolan a par ailleurs délaissé l’histoire de Blake pour donner plus de place à l’histoire de Bane.

La séquence n’est néanmoins pas exempte de tout reproche, le rythme, bon depuis vingt minutes, étant de nouveau cassé, pour une longueur supplémentaire. Et les détails… entre la vertèbre de Wayne que l’on remet en place d’un coup de poing et l’apparition de Ra’s al Ghul… Wayne rêve-t-il ? Est-ce un fantôme ? Une chose est certaine, l’apport du personnage est infime. Nolan cherche plutôt à boucler la boucle en réintégrant les personnages de Batman Begins (L’Epouvantail approche lui aussi), pour l’image plus que pour l’histoire. Et l’apparition de Ra’s al Ghul est une nouvelle entorse au réalisme du film, mais Nolan ne semble plus être à ça près…

Pour en rajouter une couche dans l’aspect « apocalypse », des cadavres se retrouvent au bout d’une corde, suspendus dans les airs. « Pour que le monde entier les voit » selon Bane. Là encore, c’est l’image qui prend l’avantage sur un réel intérêt scénaristique.

Après deux tentatives manquées, Wayne sort (enfin) de la prison, un lieu où la narration s’est définitivement égarée. Avec la liberté retrouvée de Wayne, c’est la dernière ligne droite du film et de la trilogie qui débute. Les « adieux » aussi commencent, avec l’apparition cette fois-ci de l’Epouvantail. Comme pour Ra’s al Ghul, aucun impact sur l’histoire, mais on les place quand même. Pour l’image…

 

L'affrontement entre Bane et Batman accouchera d'une (chauve-)souris...

 

Dans la foulée, Tate, Gordon, Blake et Kyle reviennent au premier plan. Wayne débarque, frais comme une rose (on ne saura jamais comment a-t-il fait pour revenir à Gotham, ville coupée du monde). Les scènes, courtes, se succèdent sur la même track de Zimmer. Nolan veut préparer le spectateur au feu d’artifice final : la menace nucléaire. Après le « choc » du stade, voici venu la force de « l’US Spirit ».

Passons une nouvelle fois sur des twists et situations torturant un scénario déjà bien mis à mal (Wayne qui se laisse capturer pour parler à Fox, faisant confiance à Catwoman, qui l’a trahi et l’a envoyé dans la gueule de Bane). Nolan, peut-être pressé par le temps, va rééquilibrer les forces en présence en moins de trois minutes : Batman à la rescousse de Gordon (avec au passage l’embrasement d’un bâtiment pour le signal du Batman, rien que pour l’image car vu le contexte, Wayne a autre chose à faire que d’organiser un feu géant), encore un twist de série US avec le sauvetage de Blake, quelques secondes avant qu’il ne se fasse tuer. Des répétitions malheureuses, qui nous rappellent sans cesse que Nolan a fait ce film pour la scène du stade, et qu’il est presque en mode improvisation depuis, essayant de maintenir une atmosphère inquiétante sans savoir comment faire.

C’est, au sens propre comme au sens figuré, la résurrection du « Christ » Wayne par Nolan. Grossièrement, tout bascule en quelques secondes alors que, si l’on prend du recul, que s’est-il passé ? Batman est de retour, a retrouvé son armure et a embrasé un bâtiment. Le « Impossible ! » apeuré de Bane est aussi risible que navrant : Nolan a essayé pendant plus de deux heures d’installer un climat apocalyptique, et il casse tout en l’espace de trois scènes dont la force est proche du niveau zéro.

Vient alors l’une des scènes les plus ridicules de TDKR : l’affrontement entre policiers et terroristes. Nolan a laissé son génie au vestiaire, c’est un fait, et souhaite livrer aux spectateurs un champ de bataille version moderne. Un combat aussi épique que possible. Oui, mais, après que Batman ait, pour la énième fois, fait une intervention pile au bon moment, exaltant des policiers qui avaient jusque-là le trouillomètre à zéro, on n’aura droit qu’à quelques secondes de ce présumé combat épique. Nolan veut donner de l’héroïsme en quantité, sans regarder la qualité. Erreur.

Les dialogues touchent le fond, notamment lors de l’affrontement entre Bane et Batman (« Tu es revenu pour mourir dans ta ville ? –Non, je suis revenu pour t’arrêter ») et le combat, court, verra Bane mettre un genou à terre après… que Batman ait cassé un bout de son masque. Rien de plus, rien de moins. Enfin, dévissé une partie du masque, plus précisément, comme nous le verrons quelques secondes plus tard.

Car le twist final approche : la révélation que Miranda Tate est en fait la fille de Ra’s al Ghul : une scène tellement mal amenée et réalisée que Nolan nous plonge ici dans une qualité digne d’un film de série B. Le rebondissement bidon de trop. On bascule définitivement du côté du grand n’importe quoi avec une course-poursuite du réacteur, tandis que l’on a déjà oublié le combat que se livre, à quelques pas, des centaines de policiers et terroristes.

La scène montrant Talia rejoindre tranquillement un véhicule, tandis que Foley est ses hommes la mitraillent mais ne la touchent pas, est d’un ridicule extraordinaire. Soyons réalistes, cette fin de TDKR confine au nanar de haut niveau.

 

Commencer sa journée en apprenant qu'on est ruiné. Journée de merde.

 

Encore un twist « juste à temps » ? Catwoman s’en charge, tuant (?) Bane qui s’apprête à achever un Batman qui ne sent déjà plus le coup de couteau de Talia. La suite, du réchauffé de Die Hard : la charge nucléaire, qui menace d’exploser depuis cinq mois, va voir son dénouement surgir dans les dix dernières minutes. Une fin sans intérêt, vu des millions de fois dans d’autres films.

Notons, en parallèle, l’intrigue autour de Blake, qui semble être présente pour boucher les trous. Un échange rude avec un policier pour essayer de franchir l’un des ponts de Gotham, des enfants à mettre dans un bus… Gagner du temps pour essayer de prolonger le plaisir, on va dire, car cette intrigue ne mène à rien.

Coincée par Batman, Talia meurt. Le jeu d’actrice de Marion Cotillard,  à cet instant… Internet en fait ses choux gras depuis la sortie du film, et il est vrai que cette scène est complètement ratée. Nolan la laisse passer, sans trouver rien à redire. Inquiétant.

On finit sur la même idée, avec un nouveau baiser hors-sujet de Kyle à Batman, Gordon qui comprend que Batman, c’est Bruce Wayne, et le suicide (ou pas) de Bruce Wayne.

Zimmer a lui aussi lâché l’affaire, ne trouvant rien de mieux qu’une track de TDK pour mener les dernières secondes du Batman. Seul l’ajout d’une voix féminine peut apporter un plus à cette scène, mais c’est bien trop court pour susciter une réelle émotion.

Comme dans un nanar, l’explosion nucléaire suscite une explosion de joie (on n’est pas à ça près, une fois encore). La Bat a, elle, parcouru dix kilomètres en moins d’une minute. Le réalisme ? Ça fait longtemps qu’il est parti se coucher.

Nolan. Lui qui a fait tant d’efforts pour installer un climat post-11-Septembre, achève (dans le mauvais sens du terme) un film en perdition avec quinze dernières minutes d’un ridicule à toute épreuve. Il n’y a rien d’épique, ni même d’héroïsme. On regarde un film de super-héros, digne de Transformers II, mais pas un Batman version Nolan. Non, que ce soit au niveau de l’intensité, du réalisme, et de la perfection du scénario, c’est tout sauf un Nolan.

Parmi les scènes de fin, la plus réussie est celle d’Alfred lors de l’enterrement, demandant pardon aux parents de Bruce pour ne pas avoir su le protéger. La statue de Batman, érigée, témoigne de la prétention de Nolan, qui lance un message : ce Batman-là restera à jamais dans l’histoire. Cette statue, c’est surtout celle de Nolan lui-même, dans l’esprit du réalisateur.

Nolan était tellement en manque d’idée qu’il n’hésite pas une seule seconde à nous livrer une fin à la Inception : Alfred qui voit Wayne et Kyle à Florence. Un rêve ou une réalité ? Nolan fait un copié/collé de la dernière scène de Inception. Ce qui aurait pu être une référence amusante est en fait une grossière bourde, qui souligne le manque d’imagination de Nolan pour conclure sa trilogie.

 

Triste fin.

 

Pierre Machado

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