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11 septembre 2009

Saison 1 / Episode 33 : Quand les bulletins mettront du Biactol.

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Selon les politologues, les orientations de chacun se modifient selon l'âge et la maturité, commençant par des idées radicales avant de se modérer avec le vieillissement.
Ainsi, même si l'on peut commencer comme sympathisant de la LCR, on peut se retrouver, 40 ans plus tard, prenant sa carte d'adhésion au Modem.
Difficile de trouver un exemple explicite, donc on va faire confiance aux politologues.

L'UNL commence bien son année et n'a pas loupé sa rentrée en lançant un débat dont on risque d'entendre parler pour un petit moment encore car les politiciens ne sont pas passés à côté de cette info (on y reviendra) : abaisser le Droit de Vote à 16 ans.

Comme tout sujet touchant la Politique trouve obligatoirement adeptes et détracteurs, on aurait pu penser que cette idée tomberait vite dans l'oubli, car pouvant être étiquetée de l'idéologie du Parti en ayant fait un de ses chevaux de bataille.

Mais ici, aucun Parti Politique n'est à l'origine de cette initiative, mais l'Union Nationale Lycéenne qui se défend avec un argument valable en ce que les jeunes sont responsables pénalement dès 16 ans, mais ne peuvent s'exprimer politiquement au même âge.

Depuis Giscard, qui abaissa la majorité électorale de 21 à 18 ans, nous n'avons pas évolué et cela fait donc maintenant 35 ans que le curseur est bloqué sur la case « 18 ans ».

Beaucoup de problèmes sont soulevés par cette idée :
Pourquoi descendre à 16 ans ?
Un jeune de 16 ans a-t-il les aptitudes requises pour pouvoir voter utilement ?
Doit-on prendre le risque d'offrir les urnes à des jeunes qui peuvent en grande majorité se désintéresser de la Politique, alors que l'abstentionnisme est déjà un problème récurrent de notre société ?

Cela méritait un petit article.

Et puis je commence à croire que je suis le seul blog au Monde à ne pas avoir parlé de la Grippe A ou de Michael Jackson, alors continuons sur cette bonne lancée !

2 ans de plus ou de moins, quelle différence ?

Après tout, quand l'on voit aujourd'hui l'âge du droit de vote, qui a déjà pu baisser de 3 ans dans les années 70, on peut se dire que le baisser de 2 ans à nouveau est envisageable, le visage de la société ayant encore changé depuis trois décennies.

Et puis, 3 ans après le CPE, preuve que les jeunes peuvent faire plier les politiques, on se dit finalement que la France d'aujourd'hui est peut-être prête à faire le grand saut qu'à déjà effectué l'Autriche en donnant un vote à chaque voix d'au moins 16 ans.

Néanmoins, quelques faits peuvent remettre en question cette avancée.

Tout d'abord, dans une société plus Conservatrice qu'il n'y paraît, donner la possibilité à des Secondes de pouvoir décider qui va être le leader de la France pour les 5 ans à venir, ça peut faire peur.
Pourquoi ?

Car, à tort ou à raison, les jeunes de 16 ans ne sont pas considérés comme pouvant être des électeurs assez éclairés, pas assez expérimentés. Bref, à 16 ans on est plus réputé devoir s'intéresser à sa copine ou à son copain, plutôt qu'au discours d'un Fillon, d'une Aubry, d'un Besancenot ou encore d'un Le Pen.

Quelque part, cette conclusion est réaliste, sur la forme, bien que discutable sur le fond.

Alors, nous considérons-nous comme suffisamment bien pensant pour se permettre de dicter aux jeunes de ne pas se mêler de choses sérieuses, ou alors faisons-leur confiance pour qu'ils puissent faire quelque chose du scrutin qu'ils ont entre leurs mains ?

Question difficile à cerner, mais nous allons arriver à une conclusion et à une réponse.

Tout d'abord, la question de la maturité politique est reprise comme argument pour leur refuser le droit de vote.
Il est vrai qu'à 16 ans, bien qu'on ait des avis, des idées, difficile de pouvoir trancher sur des élections nationales (où l'intérêt général doit primer pour choisir le vainqueur, je ne le dirai jamais assez), sur des référendums (oui ou non à l'Europe ?) car on n'envisage pas l'adolescent avoir toutes les armes idéologiques nécessaires pour pouvoir prendre pleine conscience de la signification de son vote.

Cela est-il fondamentalement différent à 18 ans ?
Et bien plus qu'il n'y paraît.
L'un des points communs entre les deux âges, 16 et 18 ans, c'est qu'en grande majorité, on est toujours au Lycée.
A 16 ans, on découvre le monde lycéen (et ses grèves), commençant la transition de l'état d'adolescent à l'état d'adulte.
A 18 ans, on termine cette transition en passant le Bac en Terminale, avant de se lancer dans les études supérieures ou autres.

Évidemment, tout le Monde ne va pas au lycée, bon nombre d'adolescents arrêtant les études dès 16 ans. Pour ne pas tomber dans du « cas par cas » excessif, on va suivre la majorité, mais il en reste que, quelque soit son choix, l'âge de 16 ans est un tournant pour chacun : direction le lycée pour la plupart, ou recherche de travaux pratiques pour d'autres.

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Qu'à changée la période lycéenne dans les idées du jeune homme (ou de la jeune femme, bien entendu) ?

Le Lycée est un premier contact avec le Monde extérieur, social, permettant à la personne de se former une identité.
L'identité qu'acquiert chacun se forge en grande partie au lycée avec ces trois années charnières : 16, 17, 18 ans.

Vu comme ça, passer de 16 à 18 ans ne représentent que 730 jours et des poussières, mais c'est bien plus que ça.

On peut avoir une identité à 16 ans, au sortir du collège, mais tout le monde s'accordera sur le fait que le lycée est l'époque où la personnalité se dessine, passant d'une silhouette hésitante à l'entrée en Seconde, à une forme bien définie au moment d'aller chercher son diplôme du Bac.

Mes détracteurs pourront me dire que l'être peut changer du tout au tout durant sa vie, par son vécu et ses expériences, bien sûr, mais il faut bien un point de départ et celui-ci se fixe au lycée.
Pourquoi ?
Car, et de plus en plus aujourd'hui, l'adolescent assimile les codes de la Société à travers les cours, on pourrait même dire qu'il la pense, et je vise ici, cela va de soi, la Philosophie, qui a hanté les nuits de certains, comme occupé agréablement les rêves d'autres.

Le lycée est un lieu de socialisation incontournable, comme le montre d'ailleurs le sujet même de cet articles : l'UNL est estampillée 100% lycée.
Qui fait régulièrement la Une de l'actualité dès qu'une réforme touche le Secondaire ? Le lycée avec ses grèves qui ont déjà fait chuter des bêtes politiques comme Fillon ou même De Villepin, qui a vu son ascension stopper nette après le camouflet que fut le CPE.

Et rien que là on voit que, finalement, le lycée est un lieu où l'on apprend aussi la Politique, pas seulement durant les années de grèves, mais aussi de par les thèmes rencontrés en cours (Guerre froide avec la scission URSS/USA qui fait écho à la scission Capitalisme/Socialisme).

En résumé, on sort du lycée avec des idées, des préférences, que ce soit sur la Société, l'homme et bien sûr la Politique.

Mais voilà, à la sortie du lycée on à en général 18 ans, et non 16 ans.

Il y a bien un soucis de maturité qui se révèle entre 16 et 18 ans, mais plus qu'une maturité politique, c'est une maturité de l'être qui échappe un tant soit peu à l'adolescent, et c'est pour le moins important au moment d'exercer son devoir de citoyen.

Surtout, au lieu de se demander si l'on doit abaisser la majorité électorale à 16 ans, il faudrait déjà savoir si le vote à 18 ans fonctionne.

Pas facile de trouver des chiffres sur le Net, mais il faut constater que le vote des jeunes n'est pas au beau fixe. En même temps, selon les études, le « vote jeune » va généralement de 20 à 29 ans, ce qui est assez large.

Un chiffre est intéressant, et extrêmement révélateur : aux dernières élections européennes, pas moins de 70% des 18-24 se sont abstenus.

On en vient donc à la conclusion qu'il y a bien une différence d'état d'esprit entre nos 16 et 18 ans, mais aussi que le vote à 18 ans n'est pas aussi bien représenté que ça.

Et là, on tombe bien évidemment sur de la pure subjectivité.
Pour certains, qui se sentent concernés par la Politique, le vote à 18 ans est une évidence, mais pour d'autres, ce fût une étape à franchir, une étape difficile à surmonter car ne se sentant pas suffisamment armé face à l'urne, poussant donc la plupart à tout simplement éviter les urnes.

Oui, le vote à 18 ans est entré dans les mœurs, mais est-ce que cela signifie que nous sommes tous dans le même état d'esprit au moment de saisir les bulletins ?
Visiblement non, et bien que 18 ans soit synonyme de majorité électorale, on est encore un peu plus proche de l'état de la fin d'adolescence que du début de l'âge adulte.
Quand on voit l'abstentionnisme dans son ensemble, il faudrait même se demander si l'âge à une importance...

 

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La maturité politique est-elle indissociable de l'âge ?

Si cette maturité semble échapper aux jeunes de 16 ans, peut-on affirmer qu'elle soit totalement acquise par les électeurs plus âgés, de 20 à 30 ans, voire même par ceux de plus de 30 ans ?

Pas vraiment quand l'on voit les chiffres de l'abstentionnisme durant ces dix dernières années, en constante augmentation.

On pourrait penser que le droit de vote donné aux jeunes de 16 ans ait tendant à faire enfler cet abstentionnisme, mais ce dernier est déjà bien mis en avant par des générations plus âgées.

L'abstentionnisme porte aussi un visage à multiples facettes : on peut très bien s'abstenir car on se sent déconnecté du débat politique, comme désintéressé (le risque du droit de vote donné à 16 ans), mais aussi car l'on considère que c'est un symbole du « ras-le-bol » de la politique (se mettre volontairement hors-jeu pour décrédibiliser la légitimité des résultats et du vainqueur).

L'abstentionnisme mériterait un article à lui seul tant il y a de choses à évoquer.

Il n'en reste que la réalité existe selon laquelle un jeune de 16 ans puisse faire preuve d'autant ou de plus de maturité qu'un trentenaire ou qu'un quadragénaire qui se désintéresse fortement de la politique et vote pour le premier bulletin aperçu.

Les mouvements de contestation dans les lycées, au cours de ces dernières années, ont montrés que les adolescents pouvaient faire preuve de réflexion politique, ce qu'ont oubliés les initiateurs de la réforme CPE.
Après, et là l'ouverture amène à un autre problème, il faudrait faire preuve de transparence quant aux relations entre les groupes politiques radicaux et les étudiants.
La controverse revient sur le devant de la scène lors de chaque conflit : les étudiants contestent-ils du fait de leur propre voix, où deviennent-ils les marionnettes de groupes politiques qui voient en eux une formidable armée anti-gouvernement ?

Nous verrons cette année si les prochaines grèves remettront en évidence la maturité politique d'adolescents délaissés par le droit de vote.


Le vote à 16 ans ? Nous devons en conclure, aujourd'hui, qu'il est sans doute trop tôt pour l'envisager sérieusement.

Sans doute les contestations lycéennes montrent qu'ils ont un rôle à jouer, mais elles montrent aussi au Pouvoir en place et aux politiques que ce sont des acteurs qui peuvent se révéler extrêmement embarassants.
Ce n'est pas Dominique de Villepin qui me contredira...

Signalons tout de même que tous les partis politiques ont fait état de leur satisfaction quant à l'éventualité d'un droit de vote à 16 ans.
Plus qu'une réelle affection envers les adolescents, c'est plutôt l'éventualité d'un nouvel électorat à conquérir qui séduit les politiques, soyons réalistes.

 

Sources :

16 ans.

UNL vs Hirsch