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04 juin 2009

Saison 1 / Episode 29 : Choquer pour ne pas Oublier.

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Le procès Fofana fait parler.

Une nouvelle information tombe dans l'arène médiatique quasi-quotidiennement et ce en grande partie « grâce » au principal suspect, Youssouf Fofana, qui n'hésite pas à multiplier les provocations, encore et toujours.

Un jour il prétend être né le jour où le corps d'Ilan Halimi est retrouvé, un jour il récuse l'une de ses propres avocates.

Aujourd'hui, comme si les médias n'avaient pas assez à dire quant à ce procès teinté d'antisémitisme, voici que l'un d'eux entre en scène en jouant le scoop trash : le magazine Choc.

Faire une couverture avec une photo d'Ilan Halimi prise pendant sa séquestration par le « Gang des Barbares », en plein procès, est pour le moins choquant.

Les armes en présence ?

D'un côté l'opinion publique, évidemment choquée par ce semblant de coup médiatique qui joue la carte du trash pour réussir sa provocation.

De l'autre, les défenseurs de la Liberté de la Presse, pour qui l'information prime et légitime la mise en circulation du magazine.

Les mœurs, l'opinion publique, le procès, les parties civiles, tout le monde est touché par l'acte du magazine Choc.

Que pouvons-nous en tirer ?

 

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Ruth Halimi, la mère d'Ilan

 

 

Une Forte Atteinte à la Dignité Humaine.

 

Déjà en 2006 ce fait divers très sombre avait ému la population, une population qui prenait conscience que des atrocités telles pouvaient se dérouler à quelques mètres d'elle.

Un jeune homme attiré dans le guet-apens par une demoiselle peu scrupuleuse, trois semaines de torture, une agonie lente et inhumaine, voilà le tableau peint par Youssouf Fofana en vue de parvenir à ses fins.

L'antisémitisme est au cœur de cette histoire, ce qui donne d'autant plus de poids à un procès portant déjà de lourds fardeaux.

Sans doute résolu à l'idée que son procès est perdu d'avance, Fofana démontre une volonté de rendre la tâche de chacun plus difficile, pour faire parler de lui et avoir de l'écho dans les médias.

Voici alors que sort la photo d'Ilan Halimi, une photo versée au dossier et à la portée des seuls rares intéressés tels que les avocats des parties et sa famille.

Quelle surprise alors de voir cette même photo en Une d'un magazine people plutôt habitué à mettre en avant des faits « insolites ».

Ainsi Ilan Halimi côtoie-t-il des avions réaménagés en villa et des basketteurs effectuant des dunks (la photo est assez facile à trouver, surtout sur le site Entrevue.fr, détenu par la même filiale possédant le magazine Choc...).

 

La justice est passée par là et le numéro de Choc est retiré des kiosques, évitant de s'appesantir sur cette histoire.

La semaine dernière, la Justice décide finalement de laisser le numéro en kiosque, mais que la photo d'Ilan halimi soit occultée.

Si l'on se met à la place de la famille, le désarroi et la colère se succèdent. Comment peut-on « commercialiser » un fait divers si ignoble ?

 

Les défenseurs du magazine se cachent derrière la liberté de la presse.

Doit-on considérer la liberté de la presse comme pouvoir invincible et sans limite, ou bien comme un principe sacré mais soumis à une ligne jaune ne devant pas être déplacée ?

Au vu de nos conclusions vis-à-vis de la liberté d'expression (Liberté de s'exprimer, oui / Expression libérée, non), on peut sérieusement envisager une limite à la liberté de la presse, comme les photos montrées au grand public dans le cas présent.

Pourtant, des magazines ne jouent que sur ce genre de photos, sans nécessairement que ces magazines se nomment « Le Monde » ou « Libération ».

Voyons par exemple Paris Match, qui fait d'ailleurs des photos son fonds de commerce, et dont la fameuse devise n'est autre que « Le poids des mots, le choc des photos », des photos qui peuvent être prises sur un champ de guerre comme sur les lieux d'un attentat.

Alors, ne serait-ce pas la presse en général qui cumule les atteintes à la dignité humaine et non seulement Choc, qui ne fait que suivre le mouvement ?

Après tout, si l'on attaque Choc pour les photos d'Ilan Halimi, on devrait attaquer toutes les semaines un magazine différent pour les mêmes raisons : atteinte à la dignité humaine.

 

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Youssouf Fofana, lors de son arrestation en Côte d'Ivoire

 

Une Utilité à Souligner : Frapper les Esprits.

 

Il faut bien être objectif et se retenir un tant soit peu de lancer la première pierre au magazine Choc : on peut trouver quelques atouts à cette photo, atouts qui font néanmoins abstraction au respect de la volonté de la famille Halimi.

Le magazine Choc, probablement sans le vouloir, participe à la prise de conscience collective vis-à-vis des faits se déroulant dans les banlieues et liés à l'antisémitisme.

N'oublions pas une chose toute simple : les photos tirées des Camps de Concentration pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Qui prend plaisir à regarder ces photos sur lesquels on aperçoit soit des cadavres, soit des corps squelettiques ?

Pourtant, que ce soit lors de notre éducation ou bien lors de reportages revenant sur cette période bien sombre, on a droit à chaque fois à ce genre de documents.

 

Pourquoi s'infliger une vision si morbide ?

Car c'est l'Histoire, c'est ce qu'il s'est passé, c'est ce qu'il ne faut pas oublier : C'est ce qui marque le plus !

La réponse se trouve ici.

Une photo retranscrivant un moment de l'histoire, quelque soit son intensité, doit être conservée, voire rendue publique, car c'est ce qui permet le mieux de rendre aux générations suivantes l'importance du fait traité par la photo.

 

Nous avons tous étudié la Seconde Guerre Mondiale au Collège et au Lycée, pourquoi ?

Car il ne faut pas oublier, et pour que les générations futures ne commettent pas les mêmes erreurs.

 

Alors, quoi de plus fort que de montrer concrètement l'horreur, par le biais de photos prises en plein cœur de l'action ?

Oui, voir la photo d'Ilan Halimi en Une d'un magazine people est choquant, mais c'est plus le support de diffusion de cette photo que la diffusion de la photo elle-même qui est à blâmer.

Nous avons entendu parler de ce fait divers à la radio, à la télévision, à maintes et maintes reprises.

En un seul cliché, toute la violence de cette histoire ressort et nous explose en plein visage, une image que l'on ne peut pas oublier, une image qui nous lance un message : « Regarde ce qu'il se passe en France, en 2009. »

 

Oui, cette photo a finalement une utilité, celle de nous confronter à la dure réalité.

Oui, elle est dotée d'une force qui fait qu'elle peut être rendue publique, non pas pour le plus grand désespoir de la famille Halimi, mais pour l'Histoire.

Non, le magazine people Choc n'était pas le meilleur support pour rendre publique cette photo.

Si l'on ne veut pas que les mêmes faits se reproduisent d'ici quelques années, montrons l'horreur à chacun.

Évidemment, je précise que cela n'a un intérêt que dans le cas de conflit, quand une action est à pointer du doigt (nazisme pour les camps, Fofana pour Halimi).

Cela est totalement différent lorsque l'on évoque une catastrophe, où la force majeure est l'unique responsable (le crash de l'A330 et ses 228 victimes par exemple).

 

« Le poids (insuffisant) des mots, le choc (inoubliable) des photos »

 

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Sources :

http://www.europe1.fr/Decouverte/Talents-et-personnalite/...