18 janvier 2009
Saison 1 / Episode 15 : Car Souffrance ne signifie pas Délit Pénal.
Qui n’a pas été étonné du jugement rendu par le Tribunal Correctionnel de Paris lorsqu’il a relaxé, sans exception, les six médecins et pharmaciens poursuivis dans le cadre de l’affaire des hormones de croissance ?
La presse reprend en chœur les chiffres de ce procès, tous plus remarquables les uns que les autres, à savoir « Dix-huit ans de procédure, quatre mois d'audience l'an dernier et, hier, dix minutes pour prononcer un jugement de relaxe générale ».
Surtout, 117 personnes (en majorité des enfants) sont décédées, atteints de la maladie de Creutzfeldt-Jakob suite à l’intégration de l’hormone dans leur corps, afin de les aider à grandir.
117 décès, et pas un seul coupable ??
Comment croire en la Justice après une telle décision qui laisse des centaines de familles dans le désarroi le plus total, certaines mères déclarant même qu’on a tué une deuxième fois leur enfant ?
Etant plutôt touché par ce sujet (trois ans de Droit dans le rétroviseur ça commence à se faire ressentir), je ne pouvais passer à côté d’un tel fait, afin de comprendre comment la Justice peut-elle rendre de telles décisions.
L’Ethique, principe qui m’est cher, est ici frappée en plein cœur, et ce ne sont pas les juges qui me diront le contraire, car 117 victimes sans personne derrière les barreaux, cela fait beaucoup pour laisser une quelconque crédibilité au Droit.
Néanmoins, allant au-delà de l’émotion, nous allons voir que la décision du Tribunal, bien que choquante, n’est qu’une stricte application des règles de Droit Pénal, règles qui sont sans appel.
Alors oui, décrier la Justice après ce qu’il vient de se passer est légitime, mais ce n’est, finalement, qu’une logique juridique qui se doit d’être défendu.
Au sortir du tribunal.
Une Décision qui laisse perplexe.
Nous ne pouvons qu’être compatissant pour les familles des victimes qui voient ainsi presque 20 années de procédure balayées en un jugement prononcé en moins de dix minutes et à l’encontre de tout ce qu’elles pouvaient imaginer.
Nous voici donc avec 117 décès, et aucun responsable. Triste constat.
La particularité de cette affaire de l’hormone de croissance, découlant du fait que nous avons frôlé les 20 ans d’attente, est que les faits remontent aux années 80.
A première vue, rien à tirer de ce détail, mais c’est pourtant bien la base fondamentale de la motivation des juges.
En effet, ils sont unanimes : aux moments des faits, la maladie de Creutzfeldt-Jakob était, pour ainsi dire, totalement inconnue, et aucun des risques de l’hormone de croissance n’était décelé par les spécialistes qui y voyaient plutôt une avancée pour les enfants concernés.
Ainsi, la Justice fait preuve de subjectivité en prenant en compte le contexte de l’époque (la clé de cette affaire, sans doute), mais nous pouvions dès lors penser qu’à travers cette approche nous allions voir cette subjectivité étendue aux faits, qui sont explicites : 117 décès décomptés à ce jour, c’est tant qu’il paraît inimaginable de pouvoir prononcer une relaxe dans un tel cas !
Pourtant si…
Il faudra attendre 1985 pour que le Prix Nobel Prusiner prenne conscience du réel danger de l’hormone de croissance, soit bien après les premiers cas relevés de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
Comment pointer du doigt des médecins et pharmaciens quand le meilleur spécialiste lui-même ne voit pas le Danger pointer le bout de son nez ?
Là encore, le contexte est primordial afin de comprendre la décision : il n’y a pas de débat quant à la connaissance des risques à l’époque, et n’oublions pas que le but de l’hormone de croissance était, paradoxe invisible à la fin du 20è siècle, louable car voulant améliorer la condition d’enfants touchés par la maladie.
Enfin, autre point important, le principal accusé, le Professeur Job, est décédé en octobre dernier, après plus de 17 ans de procédure (qui a dit que la Justice était lente ?).
Dès lors, on en vient à l’argument principal des juges : le manque d’intention dans la commission de la faute de la part des six accusés, élément fondamental permettant l’application de la règle pénale.
Une des familles endeuillées.
117 morts, aucune faute intentionnelle.
Et oui, la différence entre un condamné et un innocent et que le condamné a eu l’intention de commettre le fait qui lui est reproché, c’est la règle.
Comme précisé plus haut, s’il y avait bien une seule intention guidant les actions des pharmaciens et médecins concernés, c’était celle d’aider à grandir des enfants, rien de moins.
Non seulement cette volonté est louable, mais en plus personne n’avait aucune idée du risque alors encouru, c’est comme si l’on apprenait demain que les dons de sang pouvaient apporter de graves maladies : si un scénario tel se présentait (impossible évidemment, mais exemple concret) et que des graves maladies résultaient de cela, pourrions-nous affirmer que les organismes s’occupant du don du sang ont commis une faute intentionnelle ? Non évidemment, ces organismes ne visant qu’un but louable.
Ce qui est arrivé aux victimes de l’hormone de croissance relève malheureusement uniquement de l’aléa, rien d’autre.
Aucune connaissance des risques, aucune intention si ce n’est celle d’aider des enfants à améliorer leur quotidien, donc aucune règle pénale applicable.
Et ainsi, alors que nous avions constaté une approche subjective de la part des juges qui ce sont replongés dans les circonstances de l’époque, la solution, elle, est purement objective : le Tribunal Correctionnel applique la règle de Droit à la lettre, quelque soit le nombre de victimes ou le scandale qu’à suscité une telle affaire.
Alors, si nous allons au bout du raisonnement, y a-t-il contradiction des juges, qui jongle entre subjectivité et objectivité ? Sommes-nous face à une décision unique en ce qu’elle a des bases tout à fait subjectives pour finalement opérer un raisonnement objectif ?
Peut-être, mais la solution rendue, quoiqu’on en dise, est certainement la plus raisonnable.
L’intention de commettre la faute… Vaste sujet, vous l’aurez compris…
Sources :
Personne de coupable...
http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet_-Relaxe-au-proces-de-l-hormone-de-croissance-_39382-797352_actu.Htm
... Mais le Parquet fait appel. A suivre...
http://www.lepoint.fr/actualites-societe/hormone-de-croissance-le-parquet-fait-appel-apres-la-relaxe/920/0/306608
16:52 Publié dans France | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hormone, croissance, décès, enfants, intention