29 novembre 2008
Saison 1 / Episode 6 : La Froideur de la Mort
Tous les ans, à la même époque, les magasins remplissent leur rayon jouet, les boîtes de chocolat s’invitent dans notre demeure, les villes se parent de lumières, les monts environnants mettent leur manteau blanc et l’air est à la fête (du moins en théorie).
A la même époque, aussi, les mêmes acteurs retrouvent une place de premier choix au JT de 20h, place qu’ils avaient quitté dans une indifférence remarquable dès le retour des beaux jours, dix mois plus tôt.
A travers ces acteurs, je vise évidemment les Sans Domicile Fixe, plus que jamais sur le devant de la scène en ces temps de grand froid et de contradictions ministérielles.
Ces jours-ci s’est ouvert le débat sur l’aide à apporter aux SDF, une aide qui semble pour le moins être une règle de bon sens, mais qui se heurte au libre arbitre des principaux concernés, qui sont bien souvent les premiers à remettre en cause les structures mises à leur disposition.
Il convient donc de confronter la nécessité d’aider les personnes en danger (car c’est bien de cela qu’il s’agit, le nombre de SDF décédés étant à cette heure-ci fixé à six en un mois pour la seule région parisienne) au respect du libre arbitre de chacun.
Une situation d’urgence.
Avec la crise économique qui continue sa course effrénée, les rebondissements au sein du PS et les derniers attentats à Bombay, on peut se demander en quoi le fait que six SDF soient décédés fasse la Une de l’actu.
Si les médias s’intéressent autant à la situation actuelle, c’est peut-être car nous sommes à l’aube d’un tournant important quant à la considération de ces personnes.
Cette année, nous pouvons facilement affirmer que l’Hiver ne sera pas en retard, et les SDF, exclus de la société 10 mois sur 12, retrouvent un peu de cet intérêt que leur porte les caméras.
Il faut rappeler qu’il y a deux ans, le gros coup médiatique de la fin d’année 2006 fut à mettre à l'actif de l’association Les Enfants de Don Quichotte et leur multitude de tentes dressées au bord de la Seine, pendant que les familles faisaient leur shopping de noël.
Depuis cette histoire, le débat prit une grande ampleur, et cette année il allait de soi que les opinions divergentes se croisent à nouveau.
Après avoir pu aiguiser leurs arguments tout au long de l’année ? Pas sûr vu les solutions proposées aujourd’hui.
Il semble totalement inconcevable qu’en 2008, des personnes meurent dans les rues d’une des capitales du Monde.
Pourtant si, et s’il y a deux ans une nouvelle étape paraissait avoir été franchie avec un côté « spectaculaire » donné au SDF et leurs tentes autour de la Seine, il semble bien que c’est cette année que les choses peuvent changer.
Le Gouvernement veut prendre les choses en main : faire en sorte que chaque SDF soit hébergé en cas de grand froid, afin de répondre au mieux à l’urgence actuelle.
Alors c’est bon, me direz-vous, le problème est réglé, passons à autre chose.
Pas tout à fait…
Christine Boutin, Ministre du Logement
Une solution logique ?
Nous avons des SDF qui décèdent dans la rue à cause du froid, alors mettons-les à l’abri, hébergeons-les le temps que le printemps revienne et nous pourrons passer à autre chose.
Pas besoin d’avoir fait Science Po’ pour arriver à une telle conclusion, et pourtant cette solution simple provoqua un véritable tollé lorsque Christine Boutin, la Ministre du Logement, l’a donna en pâture à l'opinion publique.
En effet, l’aspect contraignant de la mesure (l’hébergement forcé des sans-abri dès que la température est en-deçà de 6 degrés) n’est pas du goût de tout le monde, et les associations d’aide aux sans-abri légitiment une telle critique : des structures inadaptées qui ne feraient qu’accroître les risques pour les SDF, des structures qui ne répondraient pas aux besoins des principaux intéressés.
Il est ainsi pertinent de revenir sur la liberté que nous avons tous de faire des choix.
On ne peut obliger les sans-domicile-fixe à aller dans un hébergement, c’est un fait.
Pourtant, le bon sens voudrait qu’on soit au contraire bien plus alerte afin de répondre à leurs problèmes.
De plus, comme l’a souligné le Premier Ministre lui-même, le devoir d’assistance à personne en danger est présent.
Le bon sens pousse à voir la solution d’hébergement forcé comme celle primant.
Néanmoins, et c’est là l’intérêt de cette réflexion, le libre arbitre doit être respecté bien qu’il soit en contradiction avec le bon sens.
Dès lors, que privilégier ? Le bon sens ou le libre arbitre ?
Il faut préciser, si besoin est, que dans un Etat de Droit, nous sommes libre de faire tout ce qui n’est pas interdit.
Evidemment, rien n’interdit à une personne de refuser une aide extérieure, quelque soit les circonstances.
En revanche, l’enjeu ici n’est pas simplement de refouler une décision de l’exécutif, mais bien de défier la mort à travers cette volonté.
Pouvons-nous laisser des personnes (que la société a déjà plus ou moins exclue, ce qui joue sans doute dans leur envie de ne pas être aidée par elle-même) conscientes des risques qu’elles encourent agir ainsi ?
Comme vu précédemment dans « Quand l’Euthanasie devient Droit », nous avons pu conclure qu’accepter la pire des solutions est parfois acceptable, mais ici le problème est bien différent vu les circonstances qui nous sont présentées.
Bref, le problème qui se pose ici comme au Gouvernement est d'arriver a concilier nécessité d'aider avec liberté de choisir.
Après tout, quelle confiance un sans-domicile-fixe peut-il accorder à un régime qui l'a (il peut légitiment le penser) abandonné ?
Même si chaque partie doit donc être satisfaite, force est de constater que le problème n'est peut-être pas celui de trouver une solution adéquate, mais plutôt le fait que cette solution arrivera sans doute trop tard pour les personnes qui seront victimes du froid durant les semaines à venir...
Source :
http://www.lesechos.fr/info/france/4802837-hebergement-fo...
21:15 Publié dans France | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sdf, hiver, mort, hébergement