15 novembre 2008
Saison 1 / Episode 3 : Le Dilemme Fou
Hôpital Psychiatrique Saint-Egrève, Grenoble
Un schizophrène qui s’évade d’un hôpital psychiatrique et va s’acheter un couteau avant d’aller poignarder mortellement un étudiant de 26 ans, voici le triste scénario qui s’est déroulé à Grenoble et qui a fait la Une de l’actualité cette semaine.
Les médias ce sont bien vite emparés de cette information pour relancer le débat épineux de la responsabilité des personnes déséquilibrées.
Il faut avouer qu’un tel fait laisse perplexe.
Néanmoins, malgré la proximité des faits, nous devrons mettre l’émotion de côté afin de ne pas faire preuve d’un jugement faussé.
Alors, comment réagir face à un tel acte ? Comment considérer les personnes déséquilibrées mentalement ? Devons-nous privilégier la prévention en les coupant définitivement du monde extérieur, ou devons-nous mettre en avant la répression en continuant de faire opérer le système actuel mais en les punissant justement en cas de faute ?
La réflexion est ici de mise car il va falloir à la fois jongler avec nécessité et besoin, logique et éthique, Droit d’être un citoyen libre et Droit d’être un citoyen protégé.
Malade mental : Sujet à part ?
Nous n’évoquerons que rapidement la considération d’une personne déséquilibrée par le Droit, civil comme pénal, pour rester dans l’objectivité la plus juste, l’éthique étant primordiale dans un tel cas.
Tout d’abord, le malade mental est « différent » d’une personne normale en ce qu’il n’est pas doté, selon le Droit Pénal comme le Droit Civil, de discernement.
Discernement ?
Le discernement est la faculté de reconnaître distinctement en faisant un effort des sens (vue, ouïe,...) ou de l'esprit, ou de tous ces éléments conjugués.
Ainsi, le malade mental ne distingue pas l’aspect des choses, il ne peut distinguer les bonnes actions des mauvaises, il ne différencie tout simplement pas le bon du mauvais, et c’est là que l’importance de la notion de discernement prend tout son sens : Comment pourrions-nous mettre sur un pied d’égalité une personne comprenant la portée de ses actions et une personne totalement détachée d’un minimum de raisonnement ?
Dès lors, une nette différence apparaît déjà, et elle va grandement influer sur le reste de la réflexion.
Comme l’on dit, « à circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles » et il va sans dire que c’est un moindre mal dans la présente étude.
Rappelons que l’homme ayant poignardé l’étudiant n’en est pas à son coup d’essai : il avait déjà agi de la même sorte trois fois auparavant.
Pourquoi ne pas l’avoir enfermé pour toujours dès sa première faute me direz-vous ?
La réponse est prévisible : car c’est un malade mental, il n’a pas la faculté de raisonnement suffisante, et donc on ne peut le punir comme une personne qui aurait fait délibérément le même geste tout en en ayant bien conscience.
Le débat se situe ici.
Pourquoi ne pas considérer légalement de la même sorte personne capable de discernement et personne déséquilibrée ?
La personne équilibrée fera elle la faute en sachant que c’est une erreur, qu’elle n’a pas à le faire. Elle a conscience de sa faute avant même de l’avoir effectuée, et ainsi la volonté d’agir la condamne naturellement : elle a agi en son âme et conscience, aurait pu être raisonnable et éviter cela, mais non.
Elle est sanctionnée pénalement, dans le cas d’une tentative de meurtre comme ici par exemple.
Le déséquilibré, lui, ne prend conscience de sa faute qu’après avoir mal agi, et ce dans le meilleur des cas, sinon il agira et quelques heures plus tard il aura déjà oublié son erreur.
Il n’a pas forcément eu la volonté d’agir ainsi, mais il a agi tout de même, ne pensant pas aux conséquences que cela entraînerait.
La personne est placée en hôpital psychiatrique où elle va subir un traitement afin de pouvoir être réintégrée dans la Société.
Si dans les deux hypothèses la conséquence de la faute est un décès, autant la personne étant capable de discernement risque la peine capitale, autant la personne déséquilibrée suivra un programme psychologique afin de ne plus agir ainsi.
Certains l’auront peut-être déjà compris, il y a une énorme contradiction rien que dans la considération du discernement : on punit définitivement, c’est-à-dire à vie, une personne ayant compris qu’elle avait fait une erreur dans un cas, et on va donner une seconde chance, une possibilité de vivre à nouveau en société, à une personne qui ne comprendra peut-être jamais qu’elle a fait quelque chose de mal !
Sous cet aspect, l’émotion semble donc avoir raison, sans besoin de raisonnement : l’injustice est faite qu’un déficient mental puisse s’en tirer malgré l’horreur de ces actions, alors qu’une personne « psychologiquement supérieure » traînera tout au long de sa vie, comme un boulet, son erreur.
Malade mental : Citoyen avant tout.
L’accent doit dès lors être mis sur la finalité des hôpitaux psychiatriques.
Des « prisons pour malades » ? Pas sûr.
Les hôpitaux psychiatriques, bien qu’ils se doivent de contenir certains éléments écartés de la société, se doivent aussi de rendre possible la réintégration en société de l’individu et pour cela toutes les solutions sont envisageables, notamment, lorsque l’état de la personne le permet évidemment, des permissions de sortie pour aller faire un tour en ville.
Le Professeur Cornier, Chef de Service de l'hôpital psychiatrique de Saint-Egrève
Le Monde à l’envers ? Du moins ça y ressemble : Une personne potentiellement dangereuse sans qu’elle-même ne puisse s’en rendre compte mise en liberté dans une ville !
Précisons ici que le déséquilibré de 56 ans avait beau s’être évadé de l’hôpital psychiatrique, il faisait l’objet de permission comme tout autre « patient », alors que son lourd passé était connu de l’établissement.
Devons-nous craindre pour notre propre sécurité ?
Cela relèverait de la paranoïa de répondre ici par l'affirmative. En effet, il aura, malheureusement, fallu attendre un tel drame pour que les lumières des médias pointent cette situation.
Néanmoins, force est de constater que d'autres agressions du même genre ne sont pas monnaie courante, et donc la paranoïa, si facile à faire naître en chacun, se doit d'être écartée.
Alors, serait-ce la paranoïa qui ait poussée l'opinion publique à relancer le débat de la responsabilité des incapables majeurs ?
Il y a fort à penser que oui.
D'un autre côté, il est nécessaire de souligner que le système fait état ici d'une faille bien embarrassante, car si la volonté est aujourd'hui, logiquement, d'accentuer la prévention en modifiant le système d’encadrement des malades mentaux, cette volonté ne suffira peut-être pas pour trouver une meilleure solution, une solution alliant liberté des incapables et protections des citoyens étant un véritable défi qui est loin d’être relevé à l’heure actuelle.
Bref, on ne peut donc qu'être un semblant fataliste après ce fait divers, même si, rappelons-le, le malade mental s'était échappé et on ne peut ainsi généraliser la crainte d'un tel acte à tous les incapables majeurs, ce serait remettre en cause l'efficacité même du système judiciaire.
De ce fait, le système présent s’apparente plutôt à la « moins pire des solutions », n'étant pas la meilleure, mais étant la plus adéquate afin de contenter chaque partie.
Un système à améliorer ? Oui, indéniablement.
Un système à bannir ? Non, tout simplement car il n'y a pas de meilleur système au jour d'aujourd'hui...
Alors, sur la responsabilité des malades mentaux, celle-ci ne peut être modifiée, sinon nous tomberions dans un système de pure répression, dénudée de toute notion d'humanisme envers ces personnes qu'il faut avant tout aider, avant de réprimer.
Mais le système encadrant ces personnes pourrait, lui, atteindre ses limites prochainement, et le besoin de l'améliorer ne s'est peut-être jamais fait autant ressentir.
Sources :
Une ancienne victime du malade mental raconte
http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5hyKq0w...
Un malade mental tue sa mère lors d’une permission
http://www.dna.fr/articles/200710/08/malade-mental-il-tue...
Un schizophrène qui s’évade d’un hôpital psychiatrique et va s’acheter un couteau avant d’aller poignarder mortellement un étudiant de 26 ans, voici le triste scénario qui s’est déroulé à Grenoble et qui a fait la Une de l’actualité cette semaine.
Les médias ce sont bien vite emparés de cette information pour relancer le débat épineux de la responsabilité des personnes déséquilibrées.
Il faut avouer qu’un tel fait laisse perplexe.
Néanmoins, malgré la proximité des faits, nous devrons mettre l’émotion de côté afin de ne pas faire preuve d’un jugement faussé.
Alors, comment réagir face à un tel acte ? Comment considérer les personnes déséquilibrées mentalement ? Devons-nous privilégier la prévention en les coupant définitivement du monde extérieur, ou devons-nous mettre en avant la répression en continuant de faire opérer le système actuel mais en les punissant justement en cas de faute ?
La réflexion est ici de mise car il va falloir à la fois jongler avec nécessité et besoin, logique et éthique, Droit d’être un citoyen libre et Droit d’être un citoyen protégé.
Malade mental : Sujet à part ?
Nous n’évoquerons que rapidement la considération d’une personne déséquilibrée par le Droit, civil comme pénal, pour rester dans l’objectivité la plus juste, l’éthique étant primordiale dans un tel cas.
Tout d’abord, le malade mental est « différent » d’une personne normale en ce qu’il n’est pas doté, selon le Droit Pénal comme le Droit Civil, de discernement.
Discernement ?
Le discernement est la faculté de reconnaître distinctement en faisant un effort des sens (vue, ouïe,...) ou de l'esprit, ou de tous ces éléments conjugués.
Ainsi, le malade mental ne distingue pas l’aspect des choses, il ne peut distinguer les bonnes actions des mauvaises, il ne différencie tout simplement pas le bon du mauvais, et c’est là que l’importance de la notion de discernement prend tout son sens : Comment pourrions-nous mettre sur un pied d’égalité une personne comprenant la portée de ses actions et une personne totalement détachée d’un minimum de raisonnement ?
Dès lors, une nette différence apparaît déjà, et elle va grandement influer sur le reste de la réflexion.
Comme l’on dit, « à circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles » et il va sans dire que c’est un moindre mal dans la présente étude.
Rappelons que l’homme ayant poignardé l’étudiant n’en est pas à son coup d’essai : il avait déjà agi de la même sorte trois fois auparavant.
Pourquoi ne pas l’avoir enfermé pour toujours dès sa première faute me direz-vous ?
La réponse est prévisible : car c’est un malade mental, il n’a pas la faculté de raisonnement suffisante, et donc on ne peut le punir comme une personne qui aurait fait délibérément le même geste tout en en ayant bien conscience.
Le débat se situe ici.
Pourquoi ne pas considérer légalement de la même sorte personne capable de discernement et personne déséquilibrée ?
La personne équilibrée fera elle la faute en sachant que c’est une erreur, qu’elle n’a pas à le faire. Elle a conscience de sa faute avant même de l’avoir effectuée, et ainsi la volonté d’agir la condamne naturellement : elle a agi en son âme et conscience, aurait pu être raisonnable et éviter cela, mais non.
Elle est sanctionnée pénalement, dans le cas d’une tentative de meurtre comme ici par exemple.
Le déséquilibré, lui, ne prend conscience de sa faute qu’après avoir mal agi, et ce dans le meilleur des cas, sinon il agira et quelques heures plus tard il aura déjà oublié son erreur.
Il n’a pas forcément eu la volonté d’agir ainsi, mais il a agi tout de même, ne pensant pas aux conséquences que cela entraînerait.
La personne est placée en hôpital psychiatrique où elle va subir un traitement afin de pouvoir être réintégrée dans la Société.
Si dans les deux hypothèses la conséquence de la faute est un décès, autant la personne étant capable de discernement risque la peine capitale, autant la personne déséquilibrée suivra un programme psychologique afin de ne plus agir ainsi.
Certains l’auront peut-être déjà compris, il y a une énorme contradiction rien que dans la considération du discernement : on punit définitivement, c’est-à-dire à vie, une personne ayant compris qu’elle avait fait une erreur dans un cas, et on va donner une seconde chance, une possibilité de vivre à nouveau en société, à une personne qui ne comprendra peut-être jamais qu’elle a fait quelque chose de mal !
Sous cet aspect, l’émotion semble donc avoir raison, sans besoin de raisonnement : l’injustice est faite qu’un déficient mental puisse s’en tirer malgré l’horreur de ces actions, alors qu’une personne « psychologiquement supérieure » traînera tout au long de sa vie, comme un boulet, son erreur.
Malade mental : Citoyen avant tout.
L’accent doit dès lors être mis sur la finalité des hôpitaux psychiatriques.
Des « prisons pour malades » ? Pas sûr.
Les hôpitaux psychiatriques, bien qu’ils se doivent de contenir certains éléments écartés de la société, se doivent aussi de rendre possible la réintégration en société de l’individu et pour cela toutes les solutions sont envisageables, notamment, lorsque l’état de la personne le permet évidemment, des permissions de sortie pour aller faire un tour en ville.
Le Professeur Cornier, Chef de Service de l'hôpital psychiatrique de Saint-Egrève
Le Monde à l’envers ? Du moins ça y ressemble : Une personne potentiellement dangereuse sans qu’elle-même ne puisse s’en rendre compte mise en liberté dans une ville !
Précisons ici que le déséquilibré de 56 ans avait beau s’être évadé de l’hôpital psychiatrique, il faisait l’objet de permission comme tout autre « patient », alors que son lourd passé était connu de l’établissement.
Devons-nous craindre pour notre propre sécurité ?
Cela relèverait de la paranoïa de répondre ici par l'affirmative. En effet, il aura, malheureusement, fallu attendre un tel drame pour que les lumières des médias pointent cette situation.
Néanmoins, force est de constater que d'autres agressions du même genre ne sont pas monnaie courante, et donc la paranoïa, si facile à faire naître en chacun, se doit d'être écartée.
Alors, serait-ce la paranoïa qui ait poussée l'opinion publique à relancer le débat de la responsabilité des incapables majeurs ?
Il y a fort à penser que oui.
D'un autre côté, il est nécessaire de souligner que le système fait état ici d'une faille bien embarrassante, car si la volonté est aujourd'hui, logiquement, d'accentuer la prévention en modifiant le système d’encadrement des malades mentaux, cette volonté ne suffira peut-être pas pour trouver une meilleure solution, une solution alliant liberté des incapables et protections des citoyens étant un véritable défi qui est loin d’être relevé à l’heure actuelle.
Bref, on ne peut donc qu'être un semblant fataliste après ce fait divers, même si, rappelons-le, le malade mental s'était échappé et on ne peut ainsi généraliser la crainte d'un tel acte à tous les incapables majeurs, ce serait remettre en cause l'efficacité même du système judiciaire.
De ce fait, le système présent s’apparente plutôt à la « moins pire des solutions », n'étant pas la meilleure, mais étant la plus adéquate afin de contenter chaque partie.
Un système à améliorer ? Oui, indéniablement.
Un système à bannir ? Non, tout simplement car il n'y a pas de meilleur système au jour d'aujourd'hui...
Alors, sur la responsabilité des malades mentaux, celle-ci ne peut être modifiée, sinon nous tomberions dans un système de pure répression, dénudée de toute notion d'humanisme envers ces personnes qu'il faut avant tout aider, avant de réprimer.
Mais le système encadrant ces personnes pourrait, lui, atteindre ses limites prochainement, et le besoin de l'améliorer ne s'est peut-être jamais fait autant ressentir.
Sources :
Une ancienne victime du malade mental raconte
http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5hyKq0w...
Un malade mental tue sa mère lors d’une permission
http://www.dna.fr/articles/200710/08/malade-mental-il-tue...
23:12 Publié dans France | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : malade, meurtre, étudiant, responsabilité