11 octobre 2009
Saison 1 / Episode 36 : Du Devoir d'Exemplarité.
Nous assistons actuellement à une bien mauvaise période pour les politiques.
Cette semaine a été marquée par l’émotion qu’à suscitée la redécouverte du Livre « La Mauvaise Vie » de Frédéric Mitterrand, et bien entendu le passage traitant de ses rapports avec des « garçons » en Asie, pour le moins douteux.
Après le célèbre « Quand il y en a un ça va, c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes » d’Hortefeux visant les communautés musulmanes, et le doigt d’honneur de Besson s’adressant aux caméras de Canal +, voici qu’un autre homme du Gouvernement se retrouve sur le devant de la scène médiatique, pour une action qu’on lui reproche fortement.
Etre Ministre, c’est avoir des responsabilités fortes.
C’est aussi accepter que chaque fait de vie privée puisse se retrouver dans la sphère publique.
Dès lors, un Ministre se doit d’être attentif 24h/24, 7 jours/7, sous peine de devenir la proie préférée des médias.
La preuve fut faite avec Brice Hortefeux qui, n’ayant finalement eu l’envie que de blaguer, et rien d’autre, dû faire face à des critiques plus acerbes les unes que les autres, et la reprise en chœur du « Il doit démissionner » par l’opposition.
Une des utilités de ce fait divers fut sans doute de démontrer à quel point l’opinion publique peut tomber dans l’excès, dans un sens ou dans l’autre.
Ainsi, alors que tout le monde a entendu la même phrase sortir de la bouche du Ministre, celle-ci a eu droit à plus d’interprétations qu’elle n’aurait jamais pu espérer : propos racistes pour l’opposition, simple blague pour la majorité, phrase déplacée pour les uns, phrase sortie du contexte pour les autres,…
Si une chose est sûre, c’est bien que les responsables politiques, entourés de micros, téléphones portables et caméras, ne peuvent parler spontanément sans avoir mûrement réfléchi auparavant.
Du coup, on peut se demander ce qu’il advient de l’exemplarité.
Oui, les responsables politiques, et les Ministres du Gouvernement qui plus est, se doivent d’assumer un devoir d’exemplarité découlant de leurs fonctions.
Néanmoins, peut-on véritablement mettre à un même niveau les propos déclarés en public volontairement, et les propos à tendance plus privés, volés par un outil audiovisuel mis à proximité par une âme flairant le bon coup médiatique.
Le fameux « Casse toi, pauv’ con ! » du Président de la République en est un bon exemple. Tout le monde retient les paroles du Président, mais personne ne se rappelle que ses propos sont une réponse à un « Me touche pas, tu m’salis ! » tout aussi amical.
Les ingrédients pour réussir un coup médiatique : une caméra bien placée, une provocation anodine, et une réponse virulente de l’homme politique.
Envoyez ça sur le Net, l’opinion publique fera le reste.
Si défendre les politiques est envisageable, on sent que cette épée de Damoclès rodant au-dessus de leur tête et nommée « Exemplarité » leur impose une sorte d’exclusivité en faveur de l’opinion publique.
Comme si, à l’instant où l’on devient une personne politique de premier plan, on ne devait déclarer que des propos encadrés et « politisés » afin de toujours plaire à tous, et ne jamais vexer personne.
Oui, mais nous sommes des êtres humains. Quand nous parlons avec un ami, un proche ou une connaissance, on ne se sent pas obligé (heureusement) de réagir comme si 3 caméras et 10 micros étaient en face de nous.
Un Devoir inévitable.
Si les politiques eux-mêmes ne montrent pas l’exemple, c’est la fin de la classe politique, tout simplement.
Les élus, en première ligne, sont redevables envers les électeurs leur ayant fait confiance. Il va de soi que, dans la sphère publique, cela ait un impact.
Les Ministres Gouvernementaux, eux, sont peut-être plus victime de ce devoir d’exemplarité car, à défaut d’être tous élus, la plupart sont choisis par le Chef de l’Exécutif.
Dès lors, les Hortefeux, Besson et Mitterrand ne peuvent pas se permettre d’erreur de communication entachant l’exemple qu’ils doivent donner : ils ne sont pas élus par la population et se retrouvent à des postes clés.
Quand le Ministre de l’Intérieur blague avec un jeune magrébin, dans un cadre privé, et surtout du fait que le jeune magrébin lui-même en rigole, on ne voit pas où se situe le problème.
Le problème, il intervient quand on prend en compte que ce Ministre de l’Intérieur soit aussi l’ancien Ministre de l’Immigration et que les caméras, rien que par le biais de pouvoir diffuser les images à la population entière, permettent de voir la scène sous un autre angle et en découlent des interprétations multiples, comme on l’a vu un peu plus haut.
D’une blague osée, on passe à des propos totalement honteux, par la force de la mise en avant de la vidéo aux électeurs et aux autres personnalités politiques.
Quand Besson jubile de voir un jeune de l’UMP réciter son discours aux journalistes, il ne peut s’empêcher de lancer un doigt d’honneur aux caméras de Canal +.
Là, c’est un peu plus choquant, car ce ne sont pas des propos susceptibles d’être sortis de leur contexte, ni une blague adressée à un destinataire bien précis, mais bien d’un signe envoyé aux médias tel que « Celui-là, je vous le met bien profond… ».
Là, et c’est sans doute ce qui a obligé Besson à s’excuser de ce geste, il ne peut y avoir différentes interprétations de pareille scène.
Et puis être pris en flagrant délit, lorsque l’on envoie un tel signe aux médias, quand on est un homme politique, ça peut vite se transformer en suicide politique.
Enfin, Mitterrand, qui en plus d’avoir des responsabilités, porte un nom, et se retrouve face à la pire des accusations.
Là encore, il y a une différence de taille : les propos heurtant l’opinion publique n’ont pas été délivrés devant une caméra ou face à des micros, mais dans un livre qu’il a lui-même écrit.
Ne pensant sans doute pas que l’extrait de son bouquin lui serait jeté à la figure accompagné des pires critiques concernant la pédophilie et le tourisme sexuel, Mitterrand voulait être sincère et honnête dans la description des sentiments ressentis lors de son voyage.
Manque de chance, avec l’affaire Polanski, sa défense du cinéaste et le débat lancé par Marine Le Pen, le voilà pointé du doigt de toutes parts.
S’appeler Mitterrand, être Ministre de la Culture après avoir fait une carrière remarquable dans ce domaine, et confesser dans un livre avoir fait (à défaut d’une réelle histoire sexuelle avec des enfants) une approche du tourisme sexuel, cela fait tâche.
Une exemplarité ? Oui, mais qui tend à tomber dans l’excès.
C’est ainsi que les trois hommes du Gouvernement les plus en vue, l’un pour avoir conduit la mission très controversée du Ministère de l’Immigration antérieurement, le second pour avoir trahi toute sa famille politique de Gauche pour être aujourd’hui pressenti à Matignon, et le dernier pour porter un nom et un statut le rendant populaire aux yeux de tous, se retrouvent face à des situations bien délicates.
Peut-on les mettre au même niveau ?
L’un a-t-il été plus loin que les autres ?
Lequel a vraiment fait une erreur grossière ?
Avons-nous confondu exemplarité et moralité ?
Le débat ne peut se défaire de la distinction entre la sphère publique et la sphère privée.
Si l’un des trois devrait être moins à blâmer, ce pourrait être Hortefeux.
Évidemment, des blagues communautaristes de la part d’un ancien Ministre de l’Immigration peuvent avoir un drôle de goût, mais au vu du contexte on ne peut pas non plus taxer cet humour de honteux.
Il faut reconnaître que si la réflexion tenue par Hortefeux se doit d’être taxée de raciste, alors que celui qui a le plus ri à cette blague est le jeune magrébin lui-même, on doit aussi taxer de raciste tout humoriste jouant sur l’humour osé, comme les Guillon et autres poils à gratter des médias.
Mais c’est un homme politique au passé embarrassant, donc on s’en fait une proie facile.
Mitterrand, lui, s’est tiré une balle dans le pied car il lance dans la sphère publique, par le biais de son livre « La Mauvaise Vie », ses histoires intimes.
Le livre était sorti en 2005, et nul doute qu’à l’époque il ne se doutait pas devenir un jour Ministre, surtout à peine 4 ans après la sortie de ce même livre.
Mais alors il faut assumer, ou alors ne pas prendre de risque et faire ce genre de confessions quand on a plus rien à attendre de la vie politique (à moins qu’en 2005, il ne se voyait jamais tenir un rôle politique, et ne sentait pas que cela puisse arriver un jour).
Mitterrand l’a reconnu, il a fait une « erreur », l’erreur d’avoir écrit pareil fait dans son livre autobiographique. Mais il n’a cependant pas estimé avoir commis de faute ou crime, sur l’appréciation des faits rapportés dans le livre.
On n’était pas à côté de lui durant son « voyage touristique », et les opinions divergent sur les faits rapportés, certains étant sûr que l’on a affaire à de la pédophilie, tandis que d’autres restent à la case homosexualité avec des « garçons ».
Et puis, salir le nom de Mitterrand de pareille sorte, qu’espérer de mieux pour la Majorité qui n’a pas due être unanimement satisfaite lors de la nomination d’un tel nom au Ministère de la Culture ?
La plus grosse erreur, et ce n’est pas difficile à comprendre, c’est sans doute Besson et son geste adressé non seulement aux caméras de Canal +, mais à toute la profession journalistique.
Là, c’est une erreur, tout simplement.
Et c’est aussi le seul des trois à s’être excusé, démontrant que lui aussi a prit conscience de sa faute.
On demande-t-on trop aux hommes politiques concernant le devoir d’exemplarité ?
Sans doute, car les enfermer dans une sphère publique, même quand ils se retrouvent dans une situation privée, n’est pas bon pour la classe politique.
On doit accepter le fait que, hors caméra, les hommes politiques puissent être moins rigoureux, comme lorsqu’ils s’adressent à des amis par exemple.
Ou alors on prend en compte le fait qu’un Ministre est Ministre 24h/24 (ce qui est vrai, bien sûr) et alors aucune dérive, même la plus minime, n’est autorisée.
Comme le Monde n’est ni tout blanc, ni tout noir, mais finalement très gris, on doit accepter l’idée qu’à chaque fois qu’est rapporté par les médias un fait mettant en cause un homme aux lourdes responsabilités dérapant, il faudrait mesurer la réalité de ce fait pour vraiment conclure à une erreur ou non.
Trouver un juste milieu, tout simplement.
L’homme ne peut tenir des propos spontanés et réfléchis tout le temps pendant des années et des années.
Une blague osée tenant compte du contexte, passe encore.
Une confession, sur le thème le plus sensible actuellement, dans un livre autobiographique, ce n’est pas très malin, et si c’est condamnable alors condamnons.
Faire un doigt d’honneur à des journalistes, c’est stupide.
Maintenant, à chacun de se faire sa propre idée, sa propre interprétation des situations décrites dans cet article, de juger les personnes les ayant commises, mais tout en mesurant la réalité des faits.
Oui, le Président de la République à dit « Casse toi, pauv’ con ! » à un citoyen français.
Mais n’oublions pas que ce dernier lui avait auparavant lancé « Me touche pas, tu m’salis ! ».
Vous, qu’auriez-vous répondu ?
Sources :
11:25 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hortefeux, besson, mitterrand, exemplarité
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