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04 juin 2009

Saison 1 / Episode 29 : Choquer pour ne pas Oublier.

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Le procès Fofana fait parler.

Une nouvelle information tombe dans l'arène médiatique quasi-quotidiennement et ce en grande partie « grâce » au principal suspect, Youssouf Fofana, qui n'hésite pas à multiplier les provocations, encore et toujours.

Un jour il prétend être né le jour où le corps d'Ilan Halimi est retrouvé, un jour il récuse l'une de ses propres avocates.

Aujourd'hui, comme si les médias n'avaient pas assez à dire quant à ce procès teinté d'antisémitisme, voici que l'un d'eux entre en scène en jouant le scoop trash : le magazine Choc.

Faire une couverture avec une photo d'Ilan Halimi prise pendant sa séquestration par le « Gang des Barbares », en plein procès, est pour le moins choquant.

Les armes en présence ?

D'un côté l'opinion publique, évidemment choquée par ce semblant de coup médiatique qui joue la carte du trash pour réussir sa provocation.

De l'autre, les défenseurs de la Liberté de la Presse, pour qui l'information prime et légitime la mise en circulation du magazine.

Les mœurs, l'opinion publique, le procès, les parties civiles, tout le monde est touché par l'acte du magazine Choc.

Que pouvons-nous en tirer ?

 

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Ruth Halimi, la mère d'Ilan

 

 

Une Forte Atteinte à la Dignité Humaine.

 

Déjà en 2006 ce fait divers très sombre avait ému la population, une population qui prenait conscience que des atrocités telles pouvaient se dérouler à quelques mètres d'elle.

Un jeune homme attiré dans le guet-apens par une demoiselle peu scrupuleuse, trois semaines de torture, une agonie lente et inhumaine, voilà le tableau peint par Youssouf Fofana en vue de parvenir à ses fins.

L'antisémitisme est au cœur de cette histoire, ce qui donne d'autant plus de poids à un procès portant déjà de lourds fardeaux.

Sans doute résolu à l'idée que son procès est perdu d'avance, Fofana démontre une volonté de rendre la tâche de chacun plus difficile, pour faire parler de lui et avoir de l'écho dans les médias.

Voici alors que sort la photo d'Ilan Halimi, une photo versée au dossier et à la portée des seuls rares intéressés tels que les avocats des parties et sa famille.

Quelle surprise alors de voir cette même photo en Une d'un magazine people plutôt habitué à mettre en avant des faits « insolites ».

Ainsi Ilan Halimi côtoie-t-il des avions réaménagés en villa et des basketteurs effectuant des dunks (la photo est assez facile à trouver, surtout sur le site Entrevue.fr, détenu par la même filiale possédant le magazine Choc...).

 

La justice est passée par là et le numéro de Choc est retiré des kiosques, évitant de s'appesantir sur cette histoire.

La semaine dernière, la Justice décide finalement de laisser le numéro en kiosque, mais que la photo d'Ilan halimi soit occultée.

Si l'on se met à la place de la famille, le désarroi et la colère se succèdent. Comment peut-on « commercialiser » un fait divers si ignoble ?

 

Les défenseurs du magazine se cachent derrière la liberté de la presse.

Doit-on considérer la liberté de la presse comme pouvoir invincible et sans limite, ou bien comme un principe sacré mais soumis à une ligne jaune ne devant pas être déplacée ?

Au vu de nos conclusions vis-à-vis de la liberté d'expression (Liberté de s'exprimer, oui / Expression libérée, non), on peut sérieusement envisager une limite à la liberté de la presse, comme les photos montrées au grand public dans le cas présent.

Pourtant, des magazines ne jouent que sur ce genre de photos, sans nécessairement que ces magazines se nomment « Le Monde » ou « Libération ».

Voyons par exemple Paris Match, qui fait d'ailleurs des photos son fonds de commerce, et dont la fameuse devise n'est autre que « Le poids des mots, le choc des photos », des photos qui peuvent être prises sur un champ de guerre comme sur les lieux d'un attentat.

Alors, ne serait-ce pas la presse en général qui cumule les atteintes à la dignité humaine et non seulement Choc, qui ne fait que suivre le mouvement ?

Après tout, si l'on attaque Choc pour les photos d'Ilan Halimi, on devrait attaquer toutes les semaines un magazine différent pour les mêmes raisons : atteinte à la dignité humaine.

 

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Youssouf Fofana, lors de son arrestation en Côte d'Ivoire

 

Une Utilité à Souligner : Frapper les Esprits.

 

Il faut bien être objectif et se retenir un tant soit peu de lancer la première pierre au magazine Choc : on peut trouver quelques atouts à cette photo, atouts qui font néanmoins abstraction au respect de la volonté de la famille Halimi.

Le magazine Choc, probablement sans le vouloir, participe à la prise de conscience collective vis-à-vis des faits se déroulant dans les banlieues et liés à l'antisémitisme.

N'oublions pas une chose toute simple : les photos tirées des Camps de Concentration pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Qui prend plaisir à regarder ces photos sur lesquels on aperçoit soit des cadavres, soit des corps squelettiques ?

Pourtant, que ce soit lors de notre éducation ou bien lors de reportages revenant sur cette période bien sombre, on a droit à chaque fois à ce genre de documents.

 

Pourquoi s'infliger une vision si morbide ?

Car c'est l'Histoire, c'est ce qu'il s'est passé, c'est ce qu'il ne faut pas oublier : C'est ce qui marque le plus !

La réponse se trouve ici.

Une photo retranscrivant un moment de l'histoire, quelque soit son intensité, doit être conservée, voire rendue publique, car c'est ce qui permet le mieux de rendre aux générations suivantes l'importance du fait traité par la photo.

 

Nous avons tous étudié la Seconde Guerre Mondiale au Collège et au Lycée, pourquoi ?

Car il ne faut pas oublier, et pour que les générations futures ne commettent pas les mêmes erreurs.

 

Alors, quoi de plus fort que de montrer concrètement l'horreur, par le biais de photos prises en plein cœur de l'action ?

Oui, voir la photo d'Ilan Halimi en Une d'un magazine people est choquant, mais c'est plus le support de diffusion de cette photo que la diffusion de la photo elle-même qui est à blâmer.

Nous avons entendu parler de ce fait divers à la radio, à la télévision, à maintes et maintes reprises.

En un seul cliché, toute la violence de cette histoire ressort et nous explose en plein visage, une image que l'on ne peut pas oublier, une image qui nous lance un message : « Regarde ce qu'il se passe en France, en 2009. »

 

Oui, cette photo a finalement une utilité, celle de nous confronter à la dure réalité.

Oui, elle est dotée d'une force qui fait qu'elle peut être rendue publique, non pas pour le plus grand désespoir de la famille Halimi, mais pour l'Histoire.

Non, le magazine people Choc n'était pas le meilleur support pour rendre publique cette photo.

Si l'on ne veut pas que les mêmes faits se reproduisent d'ici quelques années, montrons l'horreur à chacun.

Évidemment, je précise que cela n'a un intérêt que dans le cas de conflit, quand une action est à pointer du doigt (nazisme pour les camps, Fofana pour Halimi).

Cela est totalement différent lorsque l'on évoque une catastrophe, où la force majeure est l'unique responsable (le crash de l'A330 et ses 228 victimes par exemple).

 

« Le poids (insuffisant) des mots, le choc (inoubliable) des photos »

 

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Sources :

http://www.europe1.fr/Decouverte/Talents-et-personnalite/...


24 avril 2009

Saison 1 / Episode 28 : Antennes Relais, Quand Vous Nous Tenez...

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De mon coté, tout a été dit : le principe de précaution, chère à notre Patrie à juste titre, est poussé à son extrême quant aux antennes relais.

Que les antennes relais soient considérées néfastes, sans qu'il n'y ait de preuves allant dans ce sens, c'est possible, mais à ce dans ce cas il faut entrevoir un futur sans téléphones portables et télévisions, entre autres, car émettant au moins dix fois plus d'ondes électromagnétiques qu'une antenne relais (certains vont jusqu'à dire que ce serait jusqu'à 1500 fois plus...).

Bref, un bon article pour illustrer, encore une fois, le débat le plus incertain de l'année, alors que le Grenelle des antennes relais (vivement le Grenelle des grenelles...) est au coeur de l'info.


Qui osera dire encore que le mobile facilite la communication ? Entre riverains, pouvoirs publics, scientifiques et opérateurs mobiles, c’est plutôt le dialogue de sourds. Alors que les discours se radicalisent, Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, flanquée de Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat en charge de l’Economie numérique, et Chantal Jouanno, qui lui a succédé au secrétariat d’Etat à l’Ecologie, ouvrent ce matin une table ronde à très haute tension. Le thème : «Radiofréquences, santé, environnement.» La médiatisation de la séance d’ouverture - trois heures chrono pour laisser s’exprimer 54 participants - en irrite déjà quelques-uns, comme Janine Le Calvez, la présidente de l’association Priartem : «On a oublié les scientifiques et il n’y aura pas de débat !»

Il y a le feu sur les toits. Depuis la victoire d’un couple de Lyonnais devant la cour d’appel de Nanterre contre Bouygues Telecom (qui a été forcé d’éteindre une antenne), un vent mauvais de procès contre le mobile s’est levé. Coup sur coup, SFR à Carpentras et Orange à Angers ont été invités, sur plainte de riverains, à mettre sous le boisseau leurs émissions. Et on assiste au début d’une déferlante.

Maître Forget, l’avocat qui a fait plier Bouygues Telecom, en est à sa dixième assignation en justice, et il en tient, dit-il, «autant sous le coude, prêtes à partir». Pour Sceau-Saint-Angèle (Dordogne), Loctudy (Finistère), Belle-Isle-enTerre (Côtes-du-Nord), Villeneuve-de-la-Raho (Pyrénées-Orientales), les assignations sont parties.

D’autres confrères s’activent. L’avocat frondeur, épaulé par l’association Robin des Toits, salue le revirement de la jurisprudence : «Avant, chacun arrivait avec ses études et démolissait celles de l’adversaire», et le juge renvoyait le plaignant sous sa parabole. «Maintenant, dit-il, le juge reconnaît qu’il y a controverse. Et qu’il est anormal, dans ce cas, d’exposer les riverains comme on expose des cobayes.»

En arguant que le seul fait d’être exposé à un risque sanitaire, même hypothétique, vaut la mise en œuvre du principe de précaution, la justice a retourné le pré fertile du mobile. Et fait monter d’un cran les frayeurs. D’où l’urgence à concilier les points de vue.

Les opérateurs

Environ 49 000 antennes mobiles égayent le paysage. Certaines sont cachées dans des clochers d’églises. D’autres juchées en haut de pylônes, voire de château d’eau. Elles profitent à 56 millions d’utilisateurs. L’Afom (Association française des opérateurs mobiles) ne sait plus quel argument privilégier pour faire taire les inquiétudes. «On recense 130 000 émetteurs de toutes sortes [radio, télévision, armée, gendarmerie, aéroports…, ndlr], mais c’est toujours les antennes mobiles qu’on cible», regrette-t-on à l’Afom, qui se retranche derrière les seuils définis par l’Organisation mondiale de la santé, et retenus en Europe.

Baisser ces limites ? Hors de question : «Cela va créer des trous dans les couvertures.» Et il va falloir mettre davantage d’antennes. Pire encore : «On va devoir les rapprocher des gens !» De toute façon, on est très en dessous des seuils limites, avancent les opérateurs qui citent la moyenne d’exposition calculée par L’ANFR (Agence nationale des fréquences) sur 15 000 mesures : 0,71 volt par mètre. Pas loin de ce que réclament les associations comme limite absolue…

Les scientifiques

Ils ont l’impression d’être au milieu d’une partie de ping-pong. Sitôt qu’une étude ou une compilation de travaux met en évidence un effet potentiellement pathogène ou des mesures qui gênent, elle est démolie par le camp qu’elle dessert. Dernière étude en date, celle de Jean-François Viel, professeur de médecine, à la tête d’une équipe du CNRS, à Besançon. Dans le Doubs, il a équipé 200 personnes d’un dosimètre pour mesurer leur exposition aux ondes sur une journée. Résultat: ce sont les antennes de radio FM qui émettent le plus de radiations ! Tandis que, pour les mobiles, ce n’est pas au pied de l’antenne que la dose est la plus forte, mais à 280 m en zone urbaine, et à 1 000 m en zone rurale. «Parce qu’on est dans la vraie vie et que les expositions sont multiples», explique le scientifique. Du coup, Priartem et Agir pour l’environnement, que ces résultats dérangent, dénonce l’étude : «Son échantillon est biaisé» et «ses mesures sont contraires aux lois de la physique», accuse Daniel Oberhausen, l’expert des deux associations. Et puis les ondes FM ne sont pas dangereuses, «parce que ce sont des fréquences basses [100 Mhz, ndlr] et qu’elles sont présentes naturellement dans l’environnement. Pas comme le mobile».

Une autre étude peine à sortir. Baptisée Interphone, elle porte sur l’éventuelle dangerosité des mobiles. Treize pays y participent. Des résultats partiels, relatant une possible augmentation du risque de gliome (tumeur cérébrale) en cas d’utilisation intensive du portable, ont été publiés. Mais seule une étude internationale agrégeant les 6 500 à 7 000 cas de tumeurs aura la puissance statistique nécessaire pour dire le vrai. Martine Hours, chargée de piloter la synthèse, en est à «sa sixième version». Rude tâche, dit-elle, que «d’obtenir un consensus entre une quinzaine d’investigateurs nationaux». La chercheuse de l’Inrets ne donne plus de date pour cette étude annoncée initialement pour 2007. Mais rêve d’en finir cette année… Autre polémique dénoncée par Priartem, l’étude européenne Reflex, faisant état dès 2004 de résultats inquiétants : «Depuis qu’on a découvert qu’une technicienne a falsifié des données, les opérateurs se sont empressés de disqualifier toute l’étude !»

Les médecins

Troubles psychosomatiques ou affections réelles ? Encore une passe d’armes. Elle concerne notamment les électro-sensibles, ces handicapés des ondes, ultrasensibles et qui se plaignent de maux de têtes, d’eczéma ou de saignements de nez… Antennes mobiles, wi-fi, toutes les ondes sont incriminées.

A droite, l’Académie de médecine avec André Aurengo ; à gauche Dominique Belpomme, cancérologue, mais aussi des praticiens de ville, proches du Syndicat de la médecine générale. L’Académie de médecine est montée au front lorsque la cour d’appel a piétiné les études scientifiques et sommé Bouygues d’éteindre une antenne relais à Lyon. «Les électro-sensibles somatisent, dit en substance Aurengo. S’ils manifestent effectivement des troubles variés en présence d’émetteurs, ils sont incapables de repérer si ces dispositifs sont actifs ou non.»Damned.

Il s’inquiète surtout d’un «ressenti» du patient «mis au même niveau que l’expertise scientifique et médicale». Commentaire d’une scientifique pointue : «Certes, les études ne montrent rien, mais c’est pas parce qu’on ne voit rien qu’il faut arrêter de chercher.» Dominique Belpomme, lui, cherche et trouve. Professeur de cancérologie à l’hôpital Necker à Paris, il travaille sur 88 dossiers médicaux à partir desquels il a établi une description du syndrome d’intolérance aux champs électromagnétiques…

Les associations

Haro sur les antennes de téléphonie mobile ! «On n’a rien contre le portable», soutient Etienne Cendrier, porte-parole de Robin des Toits. «On veut juste faire abaisser les seuils d’émissions.» Son objectif : limiter à 0,6 volt par mètre les limites d’exposition aux ondes émises par les antennes mobiles (comme Priartem). Contre 41 et 61 volts par mètre aujourd’hui - la norme européenne. D’autres pays n’ont pas hésité à baisser leur seuil, plaide Robin des Toits. L’Italie, où la limite est de 6 volts, mais aussi la Pologne, la Bulgarie, la Suisse… Bruxelles a décidé de passer carrément à 3 volts, le 15 septembre. Même la ville de Paris s’y est résolue dès 2003, prônant le 2 volts maxi dans une charte.

Stéphen Kerckhove, d’Agir pour l’environnement, minimise le coût du passage à 0,6 volt : «Cela ne force à redéployer que 15 % des antennes», soit 7 500 relais. A Bruxelles, les opérateurs dénoncent une révolution bien plus coûteuse : baisser à seulement 3 volts implique de planter 40 % d’antennes en plus pour assurer la même qualité de réseau.

L'Etat

C’est un schizophrène. «L’hypothèse d’un risque» lié aux antennes relais «ne peut être retenue». C’est carré. L’affirmation est de François Fillon et elle figure dans la lettre de mission qu’il a adressée fin mars à sa ministre de la Santé, l’invitant à ouvrir un «Grenelle des antennes», pas moins. Même assurance de Chantal Jouanno, sa secrétaire d’Etat à l’Ecologie : «Jusqu’à présent, toutes les études scientifiques montrent a priori qu’il n’y a pas d’impact sur les populations.» C’était lors d’un «talk» vidéo organisé par le Figaro et l’opérateur Orange, le 4 mars…

Alors que la fronde des riverains grandit et s’organise, le discours, à la veille du grand déballage, s’infléchit. Selon la Tribune, le gouvernement planche sur des mesures de nature à calmer les peurs, sinon à étouffer les polémiques. Au cœur du sujet, la baisse des limites d’exposition. Pour le mobile, en revanche, les pouvoirs publics ne tournent plus autour du pot et déconseillent l’usage du portable avant 6 ans, parce que, confie Jouanno, «l’approche de précaution paraît cette fois justifiée». La procédure pour l’attribution d’une quatrième licence de téléphonie suit malgré tout son cours. Désignation du gagnant avant 2010. Ses concurrents lui souhaitent déjà bonne chance pour trouver des toits accueillants…

Schizophrénie aussi pour Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat à l’Economie numérique et coauteure d’une «excellente proposition de loi en 2005, demandant la limitation des émissions à 0,6 volt par mètre», rappelle malicieusement Etienne Cendrier, de Robin des Toits. Exactement ce que réclame son association.


CATHERINE MAUSSION, Libération


http://www.liberation.fr/societe/0101563489-antennes-relais-le-dialogue-de-sourds

20:57 Publié dans France | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : antennes, relais, débat

17 avril 2009

Saison 1 / Episode 27 : Liberté d'Expression = Expression Libre ?

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Au cours d'une discussion avec un des juristes des plus importants d'Europe (Dominique Turpin, pour ne pas le citer), j'ai pris conscience des sous-entendus involontaires que pouvait suggérer mon tout premier article, « Une Nouvelle Pierre apportée à l'Edifice de la Liberté d'Expression », un peu recherché mais bien présent.

Comme me le fit remarquer Monsieur Turpin, je prêche un message tel que « On peut tout dire, absolument tout ». Néanmoins, cela amène à l'hypothèse que l'on puisse aussi dire des choses du style « Il faut tuer tous les ... ».

Bien sur, loin de moi l'envie de provoquer une réflexion telle que « nous pouvons tout dire, même des messages haineux ou racistes ».
Non, ce n'est pas ce que je sous-entendais, et si certains d'entre vous on pu entrevoir cette possibilité, je vous rassure c'est plus un oubli de ma part qu'autre chose.

Oui, mais alors je suis moi-même en train d'admettre l'idée que la liberté d'expression a finalement une limite, allant à l'encontre de mon idée principale.

Faut-il s'appesantir sur ce fait ? Et bien oui car même si l'on est tous d'accord pour ne pas mettre dans le même sac « propos tenant à la Liberté d'Expression » et « propos haineux », on doit en déduire une limite à la Liberté d'expression.

Une limite naturelle, c'est certain, concernant par exemple les propos négationnistes.
Mais une limite tout de même, et dès lors on doit se demander si il n'y a pas d'autres limites à la Liberté d'expression.

Simple coïncidence : les deux dernières semaines ont été marquées par la polémique suscitée par le chanteur Orelsan et ses chansons explicites, au contenu très « hard ».

Les femmes sont notamment visées par le chanteur, ou plutôt son ex-femme, mais les médias ont vite fait de généraliser les propos.

Alors, plusieurs problèmes se posent : la Liberté d'expression a-t-elle de nombreuses limites raisonnables ?
Doit-on dicter les paroles d'une chanson à son auteur ?
Ces deux questions, dont le dénominateur commun est la liberté d'expression, nous amènent à un nouvel article.

A défaut de pouvoir clairement identifier ce qu'est la Liberté d'expression, son cadre, nous allons tout d'abord nous demander ce qu'elle n'est pas, afin de mieux concevoir l'idée que oui, la liberté d'expression est totale, et nous sommes en train de la confondre avec la violence verbale, j'ai nommé l'expression libre.

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Orelsan

Liberté d'Expression, non pas Expression Libre.


La phrase peu paraître surprenante : oui, je différencie bien les formules « Liberté d'Expression » et « Expression Libre ».
Aucune utilité a priori.

Je vais quand même essayer de m'en servir comme point de départ pour mon raisonnement.

Liberté d'expression fait appel à la libre expression, c'est-à-dire le fait que l'on puisse tous s'exprimer sans que quiconque ne puisse nous en empêcher.

Ici, on retrouve les exemples utilisés dans le premier article de ce blog : un salarié qui critique son entreprise ou son employeur, et qui ne peut se voir sanctionner pour cela.
Dès lors, on remarque que la liberté d'expression ressemble plus à la liberté de s'exprimer, on se rattache plus à l'action de s'exprimer elle-même, plutôt qu'au contenu du propos tenu.

Un salarié qui critique son employeur dans la presse, c'est un acte de liberté d'expression, non d'expression libre. J'y viens.

En effet, si l'on s'intéresse maintenant à « l'Expression Libre », que pouvons-nous dire ?
A part que les deux mots sont inversés, pas grand-chose ? Pas forcément.

Ici, on va être à l'opposé de « Liberté d'Expression » car cette fois on ne fait pas appel à la libre expression, mais au fait que l'expression est libre, et cela change tout.

Alors que « Liberté d'Expression » se concentre sur l'action de s'exprimer et s'y limite, « Expression Libre » cible une expression qui est libre, c'est-à-dire que l'on va cette fois s'appesantir non sur l'action de s'exprimer, mais sur le contenu du propos.

Raisonnement compliqué et apparemment un peu bancal, je vous l'accorde.

Pour résumer, formulons autrement les deux termes :

Liberté d'Expression = Liberté/Action de s'exprimer;
Expression Libre = Expression/Propos au contenu libre;


Sans que cela paraisse, nous venons de trouver ce qui distingue la liberté d'expression d'un message haineux voire raciste, et cette distinction tient à ces deux mots : Action ou Propos.

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Eminem et son ex-femme Kim, sans doute avant la chanson du même nom

Une Action Libre, Un Propos Encadré.


Évidemment, nous ne sommes pas ici pour prétendre toucher la Vérité, et il se peut que mon raisonnement aille droit dans le mur, mais au lieu d'attendre une réponse tombée du ciel, il vaut mieux faire part de ses idées pour essayer d'avancer, et je continue donc mon raisonnement.

Nous allons reprendre l'exemple du salarié critiquant son employeur avant de revenir sur Orelsan et la remarque de Mr Turpin.

L'exemple du salarié va aussi être la meilleure illustration de mon raisonnement.

Un salarié qui critique son employeur use de sa liberté d'expression quand il donne des arguments, démontre sa pensée.

Mais un salarié qui injure son employeur, le diffame devant les caméras de TF1, sans établir de lien avec l'entreprise, celui-ci use d'une expression libre dans le sens où cette expression n'a pas de limite, il dépasse les bornes.
Nous tombons alors dans la violence verbale.
La liberté de s'exprimer s'oppose donc à l'expression libérée.

Que dire alors d'Orelsan, celui qui insulte et menace son ex-femme à longueur de couplet ?
Et bien qu'il fasse une chanson en ciblant son ex est un droit, il peut le faire (et si c'est bien fait ça peut même donner une belle chanson), mais là il outrepasse sa liberté d'expression pour aller dans l'expression libre, il ne se fixe plus aucune limite raisonnable et ne fait qu'aligner les injures et autres messages haineux de manière gratuite.

Mais alors, peut-on réellement interdire une chanson ?

Difficile d'envisager une telle idée qui serait digne de méthodes fascistes, mais il n'en reste que cette chanson n'est qu'une liste d'insultes plus violentes les unes que les autres.
Ainsi, on peut (et c'est la volonté politique actuelle) se retourner contre l'auteur pour le punir, ses propos étant de toute façon intolérants et d'une extrême violence.

On se doit alors, en ce qui concerne les chansons hards comme celles d'Orelsan, de constater que c'est plus que de la liberté d'expression, qu'il a franchi la ligne « rouge ».

Nous avons aussi un autre moyen très simple d'amoindrir la force d'une telle chanson : ne pas l'écouter, ne pas la diffuser.
D'ailleurs, cela m'a amusé de constater que des radios pour le moins connues (Europe 1 pour ne pas la citer) passent des extraits explicites (ils ont choisis les meilleurs moments...) des chansons d'Orelsan en plein après-midi...
Comme quoi le spectaculaire prime encore et toujours sur la normalité.

Une précision est à ajouter : nous parlons ici d'une chanson dont l'opinion publique s'est émue, mais qui semble déjà être oublié des médias.
Surtout, les exemples d'expression libre à bannir sont au-dessus de ça, et ainsi dans le raisonnement nous nous tournons surtout vers les propos racistes, haineux, outranciers, gratuits.
Par-dessus tout, nous visons les propos négationnistes, summum de la provocation et qui sont un exemple d'expression libre flagrant.

Devons-nous mettre une chanson sur le même plan que des propos négationnistes ?
Au lieu de se demander pourquoi devrions-nous la considérer de la même façon, on devrait plutôt se demander pourquoi ne pas la considérer de la même manière.

Je vous mets en bas de page, avec la définition wiki de la liberté d'expression et un article sur Orelsan, le lien vers la traduction des paroles de la chanson « Kim » d'Eminem, chanson présente sur son deuxième album sorti en 2000, et qui s'adresse à son ex-femme.
Je vous laisse lire les paroles de la chanson, vous verrez qu'à côté de ça Orelsan est (presque) un enfant de chœur, et pourtant qui en a parlé à l'époque alors que tous les adolescents n'écoutaient que ça (et je m'intègre dedans) ?

Sources :

Du côté de Wiki

http://fr.wikipedia.org/wiki/Libert%C3%A9_d%27expression


Orelsan au Printemps de Bourges ?

http://www.lexpress.fr/actualites/2/le-printemps-de-bourges-refuse-de-deprogrammer-orelsan_752127.html


Paroles de la Chanson "Kim", par Eminem

http://www.lacoccinelle.net/traduction-chanson-32070-.html